Editorial : Le nouveau pouvoir – conservateur, mais…

Au Grand Palais du Peuple, à Pékin ce 15/11, 500 journalistes attendent patiemment dans un volume surchauffé. Depuis la veille, le XVIII. Congrès du PCC s’est achevé. A quelques mètres de là, le Bureau Politique est en train d’« élire » le Comité Permanent, l’organe suprême qui, cette année, comportera 7 membres au lieu de 9 – ceci, sans doute suite à l’affaire Bo Xilai. 

Entre les deux grandes factions du Parti, « ligue de la jeunesse » de Hu Jintao, le président sortant, et « club de Shanghai » de Jiang Zemin, son prédécesseur, cela fait des mois que l’on guerroie pour la majorité dans cette instance. Finalement après 1heure de retard, ils arrivent à la queue leu-leu : sept hommes qui dirigeront le pays jusqu’en 2017. En tête, Xi Jinping, derrière lui, Li Keqiang, son 1er Ministre. 

Surprise : au même instant, on apprend que Hu a finalement décidé d’abandonner aussi son poste de patron des armées. De ce fait, c’est la 1ère fois en 20 ans qu’une succession se réalise sans entorse. Jiang de son temps, avait gardé ce pouvoir deux ans de plus, jusqu’en 2005. Pour ce départ net, Hu a longtemps hésité. Il cède tous ses pouvoirs à Xi, pour lui donner, pense-t-on, un mandat fort, et décourager Jiang (86 ans) et d’autres anciens du Comité Permanent de continuer anarchiquement à jouer les leaders de l’ombre par procuration.

C’est heureux, car au reste, l’équipe issue du Congrès manque de souffle, à tous les sens du terme. L’âge moyen est 1 an plus élevé que dans la précédente. Cinq élus sur sept ont été placés par Jiang ; seuls Li Keqiang et Liu Yunshan, par Hu –ce dernier étant aussi proche de Jiang en amitié, et plus en idéologie. Au départ pressentis pour cette liste, deux cadres plus « in », Li Yuanchao et Wang Yang furent écartés par Jiang – peut-être comme concession pour que ce dernier lève son veto sur le –futur– procès judiciaire à Bo Xilai. 

Sur la liste des « impopulaires », figurent Zhang Dejiang (Président de l’ANP) et Liu Yunshan (Chef de la propagande), évidents garde-fous à toute réforme politique. Même si le Parti communiste chinois est fier de son acquis, il se sait déstabilisé par la corruption galopante – 1er problème évoqué par Xi Jinping dans son allocution. Il garde en tête la chute de l’URSS, et de bien des dictatures du monde arabe, terrassées par l’appel mondial à la démocratie. Il en déduit que pour sa sécurité, rien ne doit bouger dans ses rouages et son autoritarisme. 

Mais est-ce gravé dans le marbre ? Pas sûr ! À 86 ans, Jiang est de santé frêle. Quant à ses 5 lieutenants, vu leur âge, ils ne pourront briguer un second mandat en 2017. Alors, Xi et Li pourront s’attaquer à la réforme de fond. Car contrairement à Hu qui s’avéra un leader pusillanime, Xi n’hésite pas à s’affirmer. Dans son bref discours, il a annoncé un « grand renouveau de la nation chinoise » – une promesse à ne pas prendre à la légère, alors que des gens comme Henry Kissinger, qui le connaissent bien, affirment que dans 10 ans, la Chine sera méconnaissable sous sa poigne. ‘ 

Parmi les sept leaders, on constate enfin une anomalie : Wang Qishan, économiste renommé, n’a pas obtenu le poste, mais celui de la « police du Parti ». C’est pour laisser les coudées franches à Li Keqiang, le 1er futur ministre, lui aussi économiste qui ne voulait pas d’un autre expert regardant sur son épaule–qui plus est, d’un homme de la faction rivale. 

En effet, à défaut de démocratisation, d’autres réformes urgentes sont possibles, nécessaires et urgentes, comme celles du crédit et du droit du sol, aujourd’hui réservés aux consortia publics et aux « princes » rouges de la nomenklatura. 

Xi le Président n’est pas le seul à avoir reçu un mandat fort : Li, le 1er ministre l’a reçu aussi. Ce n’est pas un mince paradoxe. Xi est soutenu par Jiang et Li, par Hu Jintao. En 2007, ils s’affrontaient pour le poste de n°1, que Xi avait gagné. 

Mais aujourd’hui, la vraie lutte est ailleurs : la Chine court plus de risques à ne rien faire, qu’à oser se réformer. Pour réussir, les deux hommes ont besoin l’un de l’autre – condamnés à s’entendre, ils voient leur sorts intimement liés. 

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