Paradoxe de ce XVIII. Congrès : tant les milieux d’affaires, de l’éducation, de l’édition… que l’administration elle-même, attendaient l’oxygène des réformes, mais les sphères dirigeantes, elles, fixaient le cap inverse. Comme souvent en ce genre de situation, le leadership trompait l’attente en faisant pétiller de multiples apparences de changements superficiels :
① De mémoire d’homme, jamais l’internet ne fut si faible. Aux fournisseurs de flux, même en joint-venture, il fut imposé d’installer des logiciels, de bloquer des sites et de connecter des millions de PC aux serveurs policiers. Google fut le plus touché. Selon nos sources, ce serait un premier pas vers le renforcement de la « grande muraille de feu » : le démantèlement à terme des VPN et autres outils anti-censure. Ce qui bien sûr, fera évoluer d’autres logiciels de contournement, pour maintenir la non-négociable liberté de passage entre toiles locale et mondiale.
② Hu vanta les succès de sa politique culturelle, « sang vital de la nation ». En 2011, 558 nouveaux films sont sortis (4 fois le chiffre de 2003) et 370.000 livres (record du monde). Désormais, 2 115 musées ouvrent leurs portes gratuitement. Mais « l’âme est dans le guidage » et la « responsabilité politique », insiste Tian Jin, secrétaire du Parti à la SARFT, la tutelle.
③ Pour la démocratie interne, à son discours d’ouverture, Hu avait proposé que les délégués, au lieu de se limiter à voter, puissent déposer des motions. De même les listes des candidats aux organes de direction devraient dépasser celles des postes à pourvoir. Ce dernier point n’a pas été suivi : Politburo, Comité Permanent ayant été élus au nombre exact.
④ Une semaine avant le Congrès, les rues de Pékin et d’autres métropoles furent vidées de leurs petits commerces, vendant babioles, textiles ou snacks, et d’une partie des taxis afin de faciliter le trafic des officiels. Or la période coïncidait avec le 11/11, jour des célibataires, où l’on fait beaucoup d’emplettes. Résultat : ce commerce « interdit » se reporta sur internet, et tripla chez Alibaba par rapport à l’an passé, à 19 milliards de ¥, voire vingtupla sur le site internet de Suning, à 1,5 milliards de ¥. A l’avenir, ce report d’un réseau commercial « classique » vers le virtuel risque de durer : l’usager découvre cette filière qui lui épargne le déplacement, à prix identiques ou souvent plus bas. Et c’est ainsi que sans le vouloir, le Parti modifie les habitudes d’achat, pour cause policière.
⑤ Le 12/11, Zhou Shengxian, ministre de l’Environnement, édicta que tout chantier industriel « majeur » subirait a priori une « évaluation de risque social ». C’est pour éviter les manifestations fréquentes depuis 2010, forçant les autorités à reculer comme fin octobre à Ningbo, sur une usine de paraxylène. Le ministre ne s’est cependant pas étendu sur les normes d’exécution de ce concept, qui n’est en rien synonyme de « référendum auprès des riverains ».
Au demeurant, durant le Congrès, nulle réforme de fond ne fut évoquée. Ni celle du marché des services (qui n’assurent que 43% du PIB, contre 75% à l’Ouest), ni celle de la sécurité sociale (dont les lacunes incitent le pays à épargner 50% du PIB), ni celle du crédit, aujourd’hui chasse gardée des grandes entreprises d’Etat.
Aussi, à la clôture de ce meeting terne, la Bourse exprima sa déception en reculant. CITS, première firme touristique, chuta des 10% autorisés dans la journée. Le monde des affaires déplore l’absence de signal d’une réforme de fond, pourtant « inévitable », selon Ding Shuang, économiste à Citigroup…
Sommaire N° 38