Environnement : Ningbo : Décès d’un projet public et d’un modèle de gouvernance sociale

Le 29/10, la population de Ningbo (Zhejiang) exultait après un week-end ayant réuni 10.000 protestataires. Sans doute sur ordre de Pékin et sous la pression de l’approche du XVIII. Congrès, la mairie venait de rejeter le projet d’extension de l’usine Sinopec de paraxylène (PX) au budget de 6,9 milliards d’€uros. Le complexe de Zhenhai produit déjà 500.000 tonnes par an de ce composant d’emballages plastiques, dont les fumées de fabrication agressent l’air et l’eau, tuent les poissons (selon un internaute) et irritent les yeux, la gorge, et peuvent provoquer des lésions aux reins, au foie et au système nerveux.

Cette manif verte et ce recul des autorités sont le énième cas en 5 ans, tel les abandons à Xiamen (2007) et à Dalian (août 2011) d’autres usines de PX. Aussi le scenario de la manif avait un goût de déjà-vu, avec déploiement de forces anti-émeutes et violences (briques contre matraques, gaz lacrymogènes et dizaines d’arrestations). Autre détail familier, la méfiance totale de la rue après l’annonce du retrait. Et pour cause : à Dalian à l’automne 2011, une fois le contrôle repris, la mairie avait tranquillement relancé le chantier de l’usine de PX…Aussi le vice-maire de Ningbo, Chen Zhongchao, revenait le lundi après les manifs, réitérer et valider la promesse officielle.

Ici, la nouveauté est la réflexion publique sur la gouvernance locale et la péremption du modèle universel en ce pays, de décisions prises en secret et sans concertation. La Chine voit 100.000 et 150.000 manifs/an (+29% /an, sur l’environnement), car les implantations d’industries lourdes se font suivant le strict critère du profit, sans prendre en compte les besoins des populations. Malades, lésées, celles-ci ripostent, et disposent désormais d’un outil surpuissant avec Weibo, le Twitter local. Ainsi, les conditions sont réunies pour un « clash » massif ! Tang Hao, assistant à l’université normale de Chine du Sud (Canton) remarque que « par chance, jusqu’à présent, les protestations ont été pacifiques, mais qu’on a aucune garantie que cela reste le cas demain ».

Aussi, conclut Ma Jun, directeur de l’Institut des affaires publiques d’environnement, « il est urgent de trouver un nouveau mécanisme, permettant aux voix de la base d’être entendues avant toute décision ». Ainsi, le cadre intermédiaire vit désormais une pression insupportable, entre le sommet exigeant des emplois et du PIB, et la base interdisant leurs méthodes autoritaires – alors qu’il n’en connaît point d’autre !

Conscient du problème, le ministère de la protection de l’Environnement vient timidement d’appeler (01/11) les provinces à « plus de transparence » pour les projets « potentiellement dangereux ». Une consigne qui semble être écoutée. L’indice de qualité de l’air pékinois prend ainsi désormais en compte les « PM 2.5 », ces particules fines qui se logent dans les poumons. Conséquence : les chiffres officiels, désormais, sont parfois plus alarmistes que ceux mesurés par l’ambassade américaine. Impensable il y a quelques mois encore.

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