Où qu’il aille, Hu Jintao l’emmène dans ses bagages : à la Maison Blanche comme dans une ferme du Henan, Wang Huning, attentif, est toujours à quelques mètres derrière lui. Depuis deux décennies déjà, Wang est le discret conseiller des dirigeants chinois. Avant d’assister Hu, Wang, insensible aux chapelles politiques, servait son prédécesseur, Jiang Zemin. Wang a même forgé leurs slogans : « triple représentativité » pour Jiang, « théorie scientifique du développement » pour Hu – formules depuis, inscrites à la Constitution.
Né en 1955 à Laizhou (Shandong), Wang Huning est un des personnages les plus atypiques de la classe politique chinoise, car il est avant tout un intellectuel. Diplômé en politique internationale à Fudan, francophone (5 ans d’études) et anglophone, il se familiarisa à la culture politique occidentale après avoir été « professeur invité » à Berkeley. Suite à ce cursus brillant, Fudan le garda (1989) comme professeur titulaire : à 25 ans, c’était le record de jeunesse dans la fonction. À 33 ans (autre record), il devenait recteur de Fudan. Et en 1995, Jiang Zemin le prit sous son aile, après avoir été qualifié de « talent incontournable » par Wang Daohan (alors maire de Shanghai).
Depuis 2002, Chef du Centre de recherche politique, Wang calibre les politiques futures, rédige les discours. Capable d’un formidable mélange de créativité, il rassure par son apparente absence d’ambition personnelle et a su se rendre indispensable de tous.
Séduit par le « néo-autoritarisme » (新权威主义, xīn quán wēi zhǔyì) à la mode de Singapour, Wang en fera son ouvrage de référence (publié dans les années 90), dont Jiang pouvait en réciter des passages entiers.
Son principe ? Un gouvernement autoritaire est, dans un premier temps, indispensable pour assurer la stabilité politique et sociale. Cette stabilité permet de poursuivre les réformes économiques, de développer une classe moyenne, et in fine, d’établir les bases d’une démocratie libérale. Pragmatique et ouvert d’esprit, Wang, protégé par son statut de chercheur, affiche donc clairement son programme : serrer les boulons d’abord, puis permettre une démocratisation progressive – d’abord au sein du Parti, puis dans la société – et renforcer l’Etat de droit.
D’ailleurs cette année, un article signé de lui en 1986, est republié, prônant l’indépendance de la justice. Enfin, le 23/10, Yanqiu Shidai, organe du Parti, appelle à étudier le « modèle de Singapour », le Dada de Wang.
Ces « signes » suggèrent qu’il pourrait exercer une influence sur l’organe suprême, ces 5 ans à venir ! Présent au Comité Central depuis 10 ans, Wang devrait entrer à 62 ans au Bureau Politique en 2017.
Ce portrait est extrait de notre étude « Xi Jinping, la nouelle ère » parue fin 2012.
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