Editorial : Avant Congrès : un climat tendu…

Congress Salle

Sous l’angle des préparatifs du XVIII. Congrès du 08/11, la semaine qui vient de s’écouler a deux visages contradictoires : 

– En surface, un faux calme plat, induit par la censure et une prudence extrême des acteurs politiques.

– Dans l’ombre du PCC, une hyperactivité de palabres, compromis sur la composition du Comité Permanent, sur la lutte contre une opinion déterminée à freiner les réformes de marché. Une lourde concession aurait déjà été faite à cette aile gauche par la troïka des ‘3 Présidents’ Jiang Zemin (l’ancien), Hu Jintao (l’actuel) Xi Jinping (l’imminent) : l’abandon de Wang Yang (Secrétaire de la province de Canton), le plus progressiste des membres pressentis au Comité Permanent, rival de Bo Xilai, en contrepartie de la chute de l’ex-leader de Chongqing.

Justement les 23-26/10, le Bureau du Parlement (ANP) tenait l’ultime session avant le Congrès : c’était surtout pour clôturer le dossier Bo, l’exclure de son sein, lever son immunité et permettre sa condamnation judiciaire, en une course contre la montre d’ici le 08/11. Jusqu’au bout, une campagne de la rue et du Parti aura tenté d’enrayer sa descente aux enfers – le leadership aura tenu bon.

Conséquence de la chute de Bo, et de son « modèle de Chongqing » (une éphémère et anachronique tentative de faire revivre les valeurs gauchistes), le Parti semble prêt à opérer un début de démaoïsation. Adopté (22/10) au Politburo, le projet d’amendement de sa Constitution reprend les slogans hérités de Deng (le « socialisme aux couleurs de la Chine»), de Jiang (les « Trois Représentativités») et de Hu (la «conception scientifique de la croissance»), mais fait passer à la trappe toute référence à la « pensée de Mao ».

Cette déconstruction idéologique et le procès de Bo n’auraient pas pu se faire sans l’assentiment de Jiang. Or, on voit ce dernier, à 86 ans, multiplier les apparitions médiatisées, quatre en 15 jours. Parmi celles-ci, le 9/10 à Pékin, il recevait des membres de l’université « Océan » de Shanghai (son fief). Le 19/10, il faisait rappeler par le Quotidien du Peuple son statut de leader « qualifié » octroyé par Deng. Or 20 ans en arrière, préparant l’après-Jiang, Deng avait nommé Hu Jintao, empêchant ainsi l’empereur en titre de se perpétuer.

Pour Jiang, à présent en 2012, le fait de revendiquer pour lui aussi la « bénédiction » du patriarche, signale à tous qu’il est le « faiseur de roi » – en échange de concessions douloureuses, sur Bo Xilai par exemple… .
Selon la dernière rumeur, Hu Jintao serait réputé avoir réussi à placer, son allié Liu Qibao, 59 ans, secrétaire du Parti au Sichuan (un conservateur modéré) comme futur ministre de la Propagande au Conseil d’Etat.

Et Xi Jinping ? Tout en guerroyant pour imposer ses hommes dans les organes directeurs, il semble poursuivre les préparatifs d’un ambitieux train de réformes : celles des Chemins de fer, des Postes et de la production saline, en avant-première d’une refonte du cadre réglementaire et des privilèges des firmes publiques. D’autres grandes réformes annoncées, avec parcimonie de détails, concernent la finance (taux d’intérêt et yuan), et la taxation.

Pendant ce temps, la presse évoque en toile de fond la nervosité qui gagne sur un climat social frappé à la fois par le rétrécissement du marché de l’emploi, la hausse des prix alimentaires, et la série de scandales touchant à la vie privée, la fortune de ses leaders. Ainsi éclatent des émeutes écologiques de milliers de riverains à Yinggehai (Hainan, 22/10) et Ningbo (Zhejiang, 24/10). A Shanghai, un jeune patient est condamné pour l’assassinat de son médecin. Et selon les résultats de son enquête, le groupe Regus constate l’aggravation du stress chez presque 80% des travailleurs l’an passé.

Tout cela semblant chuchoter, montant depuis la base, un message unique : « réformer, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard ! ». Mais plongées dans leur guerre de succession, les sphères supérieures sont-elles en état de l’entendre ?

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  1. Jean

    Epatant, cet édito. On dirait du Simenon. On reste tous la langue pendante et la frousse au ventre en attendant la suite de cet épisode tragi-comique de la grande aventure du régime de Pékin s’aventurant d’un pied mal assuré dans le jardin interdit – et embousé – de la libéralisation économique aux caractéristiques chinoises. Quel suspense!

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