Venant de tout autre, l’affirmation pêcherait par manque de crédibilité. Mais c’est Wei Jianguo qui l’affirme, ex-vice-ministre du Commerce, aujourd’hui Secrétaire général du Centre national pour les échanges économiques internationaux (CNEEI).
Sous 3 à 5 ans, dans son commerce avec la Chine, l’Afrique dépassera l’Union Européenne (567 milliards de $ en 2011) et les USA (447 milliards de $) pour passer au 1er rang.
Son palmarès reste pourtant modeste, à 166,3 milliards de $ en 2011. Insensible à la récession, il augmenterait à plus de25% par an, tandis que l’investissement devrait progresser de 30 à 40%. Selon le FMI (Fonds monétaire international), l’Union Européenne sera alors en récession et ne dépasserait pas les 0,5% par an d’ici 2017, et les USA feront 2,2 à 2,3% d’ici 2013.
En 2012, les échanges sino-africains monteront à 220 milliards de $. De janvier à septembre, l’export africain vers la Chine aurait monté de 22% et l’import de 21,5%.
Or la Chine pour maintenir sa croissance ne peut se passer des marchés étrangers. Le manque à gagner, elle doit aller le chercher à l’extérieur : en développant coûte que coûte l’Afrique.
Tout se passe comme si, après dix ans de tests privés et publics, de méthodes inédites et innovantes d’échanges et d’investissements vers le sous-continent, la Chine de Xi Jinping, riche en cash, s’apprêtait à lui ouvrir une sorte de « plan Marshall » : y déverser prêts et crédits à risque, ports et lignes de chemin de fer, fermes géantes et mines à ciel ouvert en échange du pétrole, des minerais et bois.
Les 50 pays d’Afrique et la Chine semblent complémentaires avec, côté africain, des ressources minérales quasi-vierges et une main d’œuvre abondante, souvent alphabétisée, et côté chinois, une offre imbattable en financements, produits d’équipements et ménagers, et une structure capitaliste émergente qui lui permet de prendre plus de risques que les économies matures. C’est, disent les Chinois, une opportunité de développement rappelant la Chine des années ‘80.
Les limites sont aussi là, évidentes, avec ce leadership africain trop souvent corrompu, et l’exportation excessive par la Chine de ses propres travailleurs, causant parfois des incidents, comme ce patron chinois récemment assassiné en Zambie, ou ces cent mineurs chinois « arrêtés » au Ghana.
Mis à part ces ratages, la pénétration chinoise se poursuit avec enthousiasme indiscutable et partagé.
En Zambie, la Chine investit 832 millions de $ pour produire 60.000t de cuivre par an. Fin août, au Président égyptien Morsi, de passage à Pékin (1ère visite), Hu Jintao promet 200 millions de $ en prêt de la China Development Bank. Le printemps arabe n’a donc pas empêché les échanges de progresser à 9 milliards de $ en 2011, +30% avec 1133 firmes chinoises présentes. A Port Saïd, la Teda (Tianjin) bâtit sa zone industrielle, pour un investissement prévu de 200 millions de $. Le groupe automobile Geely, associé à Ghabbour, prépare une chaine de montage.
Très frappants à l’observateur, des centaines de milliers de petits importateurs ou agents chinois foisonnent à travers l’Afrique cherchant fortune. Ils sont relayés par leur Etat qui tisse avec les nations africaines un réseau étroit de programmes et crédits, sous le Forum de Coopération des Nations (triennal fondé en 2000). En juillet-août à travers la Chine, il a promis échange de 1000 cadres de chaque bord, enregistré 111 jumelages, tenu un Forum des pouvoirs locaux, un autre des 42 médias sino-africains (tout en ouvrant CCTV-Afrique), et un Forum des « peuples ». Le rapprochement ratisse large !
Les financements suivent. Hu a ouvert une ligne de crédit de 20MM$ sur 3 ans. Le Fonds de développement a été recapitalisé à 3 milliards de $ par sa tutelle China Development Bank, annonçant 7 filiales et 50 projets, dont une usine d’éolienne par Goldwind (Xinjiang), et une autre d’autos et camions, à 100 millions de $, par le groupe FAW (Changchun) au Cap, la plus grande d’Afrique…
Tout cela laisse l’impression d’un immense foisonnement, préalable à l’explosion annoncée par le ministre Wei Jianguo. Elle changera à jamais la prospérité des deux blocs—et la géostratégie mondiale.
Sommaire N° 34