Après 10 années de pouvoir du tandem Hu Jintao -Wen Jiabao qui ont vu régresser la réforme engagée depuis 1980, la justice chinoise publie le 09/10, son 1er livre blanc. Malheureusement, cette publication se fit dans le cadre de la campagne « wei-wen », fusion partielle de la justice et de la police, au nom de la « société harmonieuse ». Hu Jintao a infléchi le cours du travail judiciaire, du procès vers l’arbitrage, lequel consiste à mettre d’accord offenseur et offensé, grande entreprise d’Etat (ou administration) et citoyen, ce qui n’est pas de la justice.
Symbole de ce tournant : en 2008, Hu a placé à la tête de la Cour Suprême, Wang Shengjun, sans formation en droit. De ce fait, la tension sociale a augmenté, contrairement à l’objectif visé. Le livre blanc l’admet, avouant, de 2006 à 2011, des procès criminels en hausse de 54% (2,4M) par rapport au quinquennat précédent, et une chute de confiance en la justice. Plaintes et pétitions en 2011 ont baissé (-25,6%) à 790.000 : les autres ne se donnent plus la peine d’essayer.
Ce recul de l’approche politique, ne doit pas cacher un certain nombre de progrès sur le terrain judiciaire. Nombre de lois ont été votées, souvent de bonne qualité : pour éradiquer l’usage de la torture policière, ou l’intimidation des défenseurs. Les acteurs sont plus nombreux (215.000 avocats, 73.000 juges et procureurs) et mieux formés, suite à des études rigoureuses suivies d’un concours. 1,12 million de procès d’assise l’an dernier ont vu siéger 83.000 jurés, « généralement » tirés du public. De même, l’Etat s’efforce de démocratiser financièrement les tribunaux, ayant augmenté de 26,8%/an à 203 millions $, les fonds de rémunération des avocats commis d’office, et ayant réduit ses tarifs et taxes.
Le malaise autour de cette justice s’exprime le plus fort au-tour du Laogaisuo, « camp de réforme par le travail » imposé hors tribunal, par la police, jusqu’à deux ans. Jiang Wei, président de la réforme judiciaire, déclare que « la société a atteint un consensus » sur le besoin de réforme, et que l’administration « prépare un plan ». 60.000 prisonniers voire 1M, travaillent en laogai, pour parfois aussi peu que 8 ¥/mois. Longtemps envisagée, la suppression du système tarde tant, en raison du pactole qu’il représente : des provinces entières peuvent compter sur cette main d’œuvre gratuite pour leurs grands chantiers !
Mais les plus grandes nouvelles ne sont-elles pas celles à venir ? Récemment, un projet de réforme de l’Etat attribué à Xi Jinping prévoyait l’indépendance de la Cour suprême. Cette rupture du lien avec le Conseil d’Etat donnerait au patron des tribunaux les moyens d’une pratique judiciaire sans ingérence. La réforme envisage l’incorporation de tous les organes anti-corruption en un « ministère de la Supervision », mettant cadres et citoyens à pied d’égalité devant la loi. Enfin le Bureau des pétitions serait retiré à la Sécurité Publique et rendu à la justice : autant de réformes refondatrices, si elles se matérialisent !
Sommaire N° 33