Portrait : Portrait : Zhang Dejiang, les « épaules d’acier »

Portrait : Zhang Dejiang, les « épaules d’acier »

Même pour un homme du sérail comme Zhang Dejiang, la mission d’aller, en mars dernier, à Chongqing purger la mairie de Bo Xilai, n’était pas la plus facile. Car, quoiqu’en disgrâce, ce tribun restait très aimé, au PCC et par la rue. Aussi fallait-il pour Zhang avoir ces « épaules d’acier » du bon communiste selon Mao : la capacité de frapper sans scrupule, ceux, fussent-ils d’anciens compagnons proches, que le Parti désigne. À 66 ans, c’est avant tout pour s’être acquitté de la besogne sans broncher que ce vice-1er ministre figure en bonne place au futur Comité Permanent – membre probablement le plus conservateur.

Zhang est né en 1946 au Liaoning. « Jeune instruit », il est envoyé à 22 ans à la ferme à Wangqing (Jilin). Puis en 1972, pour mieux servir les masses, il part pour Yanbian, fief de la minorité coréenne, apprendre la langue à l’université ethnique locale. L’appétit vient en mangeant : il fera un master d’économie… à l’Université Kim Il-sung de Pyongyang (1978-1980).

A son retour à Yanbian, « Mr Corée » parvient à endiguer l’immigration de Corée du Nord. Puis en mars 1990, le Président Jiang Zemin, devant se rendre au pays du Matin calme, le prend comme interprète. Mission importante, car elle rompt l’isolement d’une Chine sur la touche après les événements du 4 juin 1989. Jiang découvre alors le jeune loup gauchiste. Sept mois après, il sera jusqu’en 1995 le Secrétaire du Parti à Yanbian, où il créera un « modèle de développement » spécial (le seul succès d’intégration de minorités non-Han).

Etoile montante du Club de Shanghai, Zhang passe Secrétaire du Jilin (1995), du Zhejiang (1998), du Guangdong (2002). Partout, il joue la musique conservatrice de son clan : priorité aux chantiers d’équipements, à l’industrialisation (en surveillant de près le privé), et main de fer sur tout soulèvement. Une intolérance qui lui vaut des critiques : en 2003, au Guangdong, il censure l’existence de l’épidémie de SRAS, empêchant d’organiser à temps la prophylaxie – touchant de ce fait, Hongkong, puis Pékin. Et en 2005, à Dongzhou, où il fait mater une révolte de villageois expropriés : 20 morts.

Mais pour Pékin, seul le résultat compte. À Canton en cinq ans, le PIB a augmenté de 80%. Pour Dong Liwen, prof. à l’univ. de la police à Taïwan, « ce lien de la croissance et de l’écrasement de toute opposition fait de Zhang Dejiang, pour Jiang Zemin, une figure-clé de sa stratégie de pouvoir au XVIII. Congrès ». En 2008, Zhang est nommé vice-1er. 

Mais une dernière erreur manque de lui coûter cher : en juillet 2011, lors de la collision de TGV à Wenzhou (40 morts), il ordonne d’enterrer les wagons sinistrés. Rediffusées à travers la planète, ces images irresponsables vont entacher l’image du pays. Zhang aurait perdu toute chance de promotion, sans l’échappée de Wang Lijun au consulat US de Chengdu, et l’appel fait à lui comme « Mr propre » à Chongqing, qui lui sauve la mise. Au demeurant, il faut lui reconnaître certaines qualités, comme la compétence administrative, ainsi que l’absence de toute rumeur de corruption autour de lui.

Partisan de la poursuite de l’ouverture du pays, Zhang reste un défenseur de la planification d’Etat et des entreprises publiques. Le secteur privé doit, pour lui, être strictement encadré. Atout n°1 de Jiang Zemin au sein du Comité Permanent, Zhang, déjà âgé, n’effectuera au mieux qu’un mandat jusqu’au prochain Congrès (2017), où l’atteindra la limite d’âge. Il entre en ce panthéon du pouvoir, avec une mission : interdire tout affaiblissement du front du refus à toute réforme.

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