Du 14 au 19/01, Wen Jiabao était le 1er chef de gouvernement chinois en Arabie Saoudite en 21 ans, et le 1er dans l’absolu à se rendre aux Emirats Arabes Unis (EAU) et au Qatar.
Ayant engrangé 16 milliards de $ de contrats, la visite a réussi et peut rassurer Pékin sur son potentiel dans un Moyen-Orient qui lui procure 29% de son pétrole. Il y a certes un obstacle, ce Printemps arabe qui fait tomber les dictatures comme des feuilles mortes, l’une après l’autre. Mais c’est aussi une chance de restaurer son influence, voire d’y relayer la puissance déclinante des Etats-Unis.
A Riyad, Wen Jiabao a bouclé la JV de Yanbu sur la Mer rouge, raffinerie de 400 000 b/j, à 8,5 milliards $, pour 2014. Sinopec aura 37,5%, Aramco 62,5%. Les deux groupes préparent aussi avec Exxon l’extension de leur raffinerie de Xiamen (Fujian), et Sinopec avec Sabic, une raffinerie à Tianjin.
À Abu Dhabi, Wen signe 5,5 milliards de $ d’échanges de devises (swap), et un oléoduc de la compagnie pétrolière nationale, CNPC, pour acheminer 1,5 à 2millions de tonnes de brut, évitant ainsi le détroit d’Ormuz de tous les dangers, depuis que Téhéran menace de le bloquer. Avec le swap, la Chine met en place un outil de crédit aux EAU qui pourrait servir dès 2014 pour tenter de disputer à Shell, Exxon, BP et Total le renouvellement de leurs contrats d’exploitation de champs pétroliers, qui expirent à cette échéance.
NB
: les EAU pèsent 7% des réserves mondiales.
Ce voyage dit le désir de Pékin de diversifier son import mondial de brut, qui totalisera 480 millions de tonnes en 2012, +5,3%. Il peut viser la baisse de dépendance envers l’Iran, son 3eme fournisseur (11% de l’import). Formellement, la Chine rejette le blocus sur le brut iranien, réclamé par les USA, Union Européenne, Australie et autres (en une tentative pour le forcer à renoncer à sa course à la bombe (par la perte de 60% de ses revenus d’Etat). Mais en même temps, on devine que ce bon accueil de Wen au Moyen-Orient est béni, voire téléguidé par des USA soucieux d’aider la Chine à se passer du pétrole iranien.
Pékin a d’autres raisons de reconsidérer ses alliances :
[1] Il n’aime pas la menace de blocus d’Ormuz, qui couperait sa route du pétrole: d’où cet oléoduc de contournement, monté au Qatar par la CNPC. Il hait aussi, comme Riyad la perspective d’un Téhéran accédant à la bombe. Dans ce contexte, le partenariat nucléaire civil offert par Wen au roi Abdallah aide beaucoup à resserrer les liens.
[2] La Chine a un déficit d’image, ayant soutenu les dictatures d’Egypte, de Libye et de Syrie. Et face au Moyen-Orient arabe, son lien avec Téhéran va lui coûter toujours plus cher.
[3] Alors que les USA retirent leurs troupes de la région déstabilisée, la Chine peut espérer y jouer un rôle (médiateur, casques bleus…), à condition d’y rétablir la confiance.
[4] Enfin, entre les marchés d’avenir arabe et iranien d’équipement et de consommation, l’Iran ne fait pas le poids.
Autant de petites touches permettant d’imaginer un avenir où la Chine lâche sa « danseuse persane ». La preuve : à Ali Baqeri, haut cadre iranien en visite à Pékin, le vice-ministre des affaires étrangères Wu Hailong notifie haut et clair que pour le régime des Ayatollahs, retourner à la table de négociation, devrait être « top priorité » – cela sonne comme un « dernier avertissement » !
Sommaire N° 3