Editorial : Tensions maritimes et guerre de succession

À l’approche du XVIII. Congrès, la tension monte : la Chine retient son souffle. C’est que, de sources convergentes, le conclave de Beidaihe s’est déroulé dans un climat tendu, entre un Hu Jintao en fin de règne, dans un pays en crise, très ouvertement critiqué. Mais il n’en revendique pas moins, comme son prédécesseur Jiang Zemin, de garder une partie pouvoir pour « deux ans au moins » en se maintenant à la tête de la Commission militaire centrale, l’organe dirigeant de l’armée. La division est telle que des promotions prévues au sommet peuvent encore se défaire, et que les rumeurs de report du Congrès de mi – à fin octobre ou novembre réapparaissent. 

<p>Ces dissensions internes peuvent expliquer deux importants événements en cours : 

 •Tokyo semble avoir choisi ce moment « vulnérable », pour nationaliser « ses » îles Senkaku, revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu. Le 8/09, le cabinet Noda annonce un budget-défense de 58 milliards de $, et sept nouveaux garde-côtes pour l’archipel. Le 10/09, il rachète trois des îlots à la famille propriétaire, et change son ambassadeur à Pékin, qui avait exprimé ses préventions contre cette action.
La réaction est furieuse en Chine, où toutes les sphères rivalisent d’ardeur patriote. Sourds aux semonces japonaises, six garde-côtes continentaux pénètrent la zone (12/09) « pour faire respecter la juridiction chinoise sur les îles Diaoyu ». Wen Jiabao, le 1er ministre, s’écrie : « nous ne céderons pas un pouce » (des îles). L’APL, l’armée chinoise, elle, « réserve ses droits d’action ». 

Pékin garde tête froide : les navires lancés sur les Senkaku, peu armés, n’appartiennent pas à la Marine. 
Mais les tensions se paieront : les fêtes du 29/09 pour le 40ème anniversaire des relations bilatérales, sont « à l’eau ». Par contre, on peut se demander si la mobilisation rapide de l’agit-prop appelant les masses à s’indigner, ne servent pas aussi à pallier la mésentente des mouvances, l’introuvable plateforme politique du XVIII. Congrès. 

‚ •Depuis le 01/09, Xi Jinping, actuel vice-président et imminent n°1 du régime a disparu, annulant tous ses rendez-vous. Durant deux semaines, le silence des autorités (prisonnières de leur rigide culte du secret) a laissé libre cours à mille rumeurs folles. Xi, avec He Guoqiang, le patron de la CCID (Commission centrale d’inspection de la discipline), aurait été cible d’attentats le 04/09, ce dernier ayant succombé. Pour He, le bruit est démenti le 10/09 (il réapparait). Concernant Xi, la camarilla finit par lâcher (12/09) que le tribun, à 59 ans, aurait subi un infarctus du myocarde. 
Le 15e jour, Xi finit par réapparaître sur un site pékinois peu couru (l’Université agricole), sous prétexte de soutenir une journée nationale de popularisation de la science (en réalité bien sûr, pour étouffer les rumeurs) : visite éclair, sans discours, le sourire crispé.

La résurgence de Xi devrait relancer le processus de passation du pouvoir, déraillé depuis deux semaines : si Xi n’était plus capable d’assumer les fonctions suprêmes, il devait être remplacé. Et si cette absence signifiait une tentative de « forcing à la chaise vide », chaque jour d’absence creusait plus le fossé entre son camp proche de Jiang Zemin, et la tuanpai (ligue de la Jeunesse) de Hu Jintao. 

Justement aux dernières rumeurs, parmi les promus à la Commission Militaire Centrale, l’organe suprême de l’APL, figurerait Liu Yuan, un intime de Xi Jinping et de Bo Xilai. Ce qui semblerait suggérer que Xi serait aujourd’hui en position de force. Quoique les mois précédents l’aient plutôt vu se cantonner sur la réserve, alors que déferlaient les scandales de l’affaire Bo Xilai, puis de l’accident de la Ferrari, causant la mort de Ling Gu, fils du premier « lieutenant » de Hu Jintao…

Décidément, ce XVIII. Congrès, en si capricieuse gestation, réserve peut-être encore bien des surprises, et le flot d’informations qui circulent, trop rarement fiables, laisse bien présager de grandes batailles en cours, derrière les hauts murs de Zhongnanhai ! 

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  1. Jean S.

    Mieux que le sprint final de l’arrivée du Tour de France, mieux que l’identification du salopard qui s’est permis de pisser sur le mur du son, mieux que la solution de l’énigme de la mort de Toutankhamon, mieux que la réception de l’ultime message de détresse du Titanic, voici la présentation pleine de verve et de suspense, de l’agitation qui règne dans la fourmilière du pouvoir à Zhongnanhai. Albert Londres – Eric Meyer, même combat!

  2. Francine Cadotte

    ROBINSON À PÉKIN
    Avez-vous vu la video qui a fait le tour du monde sur You Tube en 2011? Une fillette chinoise avait été happée par une camionnette et les gens marchaient tout près d’elle sans jamais s’arrêter? Je trouve que Rlobinson à Pékin nous a bien fait comprendre la mentalité du peuple chinois et l’indifférence des passants témoins de ce triste événement.
    Oui, grâce à Eric Meyer, j’ai fait un magnifique voyage avec Robinson: balade à Pékin rue Wangfuging, dans le quartier des étrangers San Litun, dans celui des ambassades à Chaoling, dans la rue Jianguomenwai, au parc Beihai et dans les hutongs, à la plage, partageant ses aventures périlleuses en avion, en train et en bateau dans l’Empire du Milieu. Mais pourquoi donc l’auteur utilise-t-il le vélo plutôt que le métro de Pékin?
    Le récit de M. Meyer est fascinant, passionnant; c’est une intéressante leçon de géographie si on cherche à situer sur une carte les provinces, les villes, les fleuves, les lacs et les frontières mentionnés.
    Robinson nous fait mieux comprendre la politique de la République populaire de Chine de 1987 à 1992 et les éléments de son idéologie. En outre, Robinson nous présente un petit résumé des « bonnes manières » que les Chinois pratiquent en société: on se racle bruyamment la gorge, on crache librement , on rotte joyeusement en public mais R. n’a-t-il pas remarqué qu’il y en a toujours un ou une qui a les doigts dans le nez? Je n’aurais pas serré la main d’un certain chauffeur de taxi que j’ai pris à Shanghai: il se raclait la gorge, crachait par la fenêtre de sa voiture et complétait sa toilette en se décrottant les narines et tout cela en conduisant. Mais à bien y penser, il a manipulé ma carte de transport en commun que j’ai par la suite reprise…..
    Bref, Robinson à Pékin est un délice littéraire, géographique et politique.
    Félicitations à Eric Meyer.
    J’aimerais bien faire la lecture de vos autres ouvrages.
    Je vais vous écouter demain samedi 6 octobre 2012 à la radio de Radio – Canada avec Joel Le Bigot et votre collègue du Japon, Georges, B.
    Une lectrice canadienne,
    Francine Cadotte

  3. Eric Meyer

    chère Francine
    merci de votre magnifique message, un grand encouragement. ce livre était celui des chroniques que je faisais à chaque mois ou trimestre, à ma famille et mes amis, durant nos 5 premières années. C’était à la fois pour capter d’autres choses que je ne pouvais exploiter pour mes journaux et clients. et pour me permettre d’atterrir très lentement sur cette planète Mars, en détecter les valeurs, trouver les sources dont on vit ici, devenir autosuffisant par rapport à mon passé et ma patrie. quand j’ai arrêté, 5 ans plus tard, c’est parc que j’étais prêt à assumer ce monde là, avec des yeux neufs.
    aujourd’hui, cet exercice a été remplacé par plein d’autres choses : mes livres suivants, ma lettre le « vent de la chine » et, pour le plus intime, mon blog.
    merci encore de votre écoute, de votre retour, et si vous passez par Pékin, contactez moi
    Eric Meyer

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