De 1997 à 2002, Jiang Zemin, prédécesseur de Hu Jintao, avait tenté trois fois de s’accrocher au poste suprême au-delà des 10 ans et des deux mandats permis par la Constitution. Chaque fois, le Bureau Politique (BP) ou le «Présidium» des anciens (instance non inscrite dans la Constitution) s’était interposé, pour éviter le retour aux dérives du culte personnel ou à une dynastie.
Or, voilà que Hu aussi, vient de voir contrecarrer trois tentatives de conserver, par personne interposée, le pouvoir au-delà du XVIII. Congrès d’octobre :
– en 2007, Hu avait proposé Li Keqiang comme son successeur en 2012 : l’appareil lui avait préféré Xi Jinping.
– en août 2012, à Beidaihe, il avait voulu promouvoir au Comité Permanent Hu Chunhua, autre protégé : ce fut refusé.
– fin août, Ling Jihua, son bras droit, perdit la présidence du Secrétariat général du Parti communiste chinois. De facto, Ling perdit aussi sa promotion quasi-acquise au Comité Permanent, qui lui eût permis d’exercer une influence et de tenir en bride le futur n°1, pour le compte de Hu Jintao.
Son successeur au Secrétariat général, Li Zhanshu (62 ans, Secrétaire du Guizhou), appartient aussi de l’écurie Hu, mais n’a pas la même carrure.
Ling tombait suite à une fuite, après cinq mois de secret d’Etat. La nuit du 18/03 à Pékin (trois jours après le limogeage de Bo Xilai), une Ferrari noire s’encastra sous un pont du 4ème périphérique. Des trois occupants quasi-nus, le pilote décéda et les jeunes passagères furent grièvement blessées. Enterré sous le nom de Jia, le conducteur passa pour le fils de Jia Qinglin, intime de Jiang Zemin et membre du Comité Permanent. Mais c’était faux.
D’après le quotidien South China Morning Post de Hong Kong, (02/09), Jia furieux avait fait identifier le chauffard : c’était le fils de Ling. Puis il avait confié ce secret à Jiang Zemin, qui avait attendu trois mois pour le balancer à Hu Jintao. Le média hongkongais croit savoir que le Président tomba des nues : tout ce maquillage ayant été orchestré par son propre camp, à son insu. Aucun détail ne fut épargné : la voiture à 800.000$ (incompatible avec le salaire du père), la cause présumée du drame – un jeu sexuel à grande vitesse avec une ouïgoure et une tibétaine, que le fils venait de prendre à l’Université des Minorités.
Le dégât politique suite à cette révélation est immense. Désormais, les camps des «Petits princes» et des «Shanghaïens» n’étaient plus seuls entachés d’un scandale, celui de Hu aussi. Ce qui éclaire, au passage, l’incapacité du Parti à entamer un grand nettoyage, pourtant si urgent pour restaurer sa réputation.
Signe d’érosion du leadership : Qiushi, revue théorique du Parti, publie (04/09) une critique acerbe des 10 ans du tandem Hu-Wen. L’auteur, Deng Yuwen, ose dire que ce pouvoir lègue « plus de problèmes, que de réalisations ».
Aussi, selon divers témoins, les jeux sont faits.
Au futur Comité Permanent (réduit de 9 à 7, par la relégation au Bureau Politique des portefeuilles « propagande » et « sécurité »), Hu ne comptera que 2 voix : celles de Li Keqiang (futur 1er ministre), et de Li Yuanchao (futur vice-président). Ce qu’on reproche à Hu au fond, est d’avoir différé, par passivité, des réformes urgentes (crédit, taxation, droit du sol). Ainsi, aurait été enrayée la croissance, et compromise la fameuse « société harmonieuse » (和谐 héxié), pourtant son souci principal.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : même sans devenir le « faiseur de roi » qu’aura été Jiang, Hu restera influent, surtout pour la sélection du successeur de Xi Jinping en 2022. Et là, son protégé Hu Chunhua conserve ses chances. Surtout s’il réussit à Chongqing, son prochain poste, en sachant mener de front la croissance et la compensation de milliers de foyers dépossédés par Bo Xilai et ses hommes.
Enfin, les déboires de Hu Jintao profitent à Xi Jinping : vaincu par l’âge, Jiang va devoir réduire son activité.
Cependant, quatre hommes de sa mouvance auront été installés au prochain Comité Permanent, et voteront avec Xi : Wang Qishan, Yu Zhengsheng, Zhang Dejiang et Wang Yang – donnant ainsi au nouveau Président une claire majorité. Avec malgré tout, derrière lui, l’ombre de ces anciens du «Présidium» dont l’influence, quoique non réglementaire, demeure écrasante !
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Jean Sévery
10 septembre 2012 à 08:24Ceci ne ressort plus de la simple analyse politique; c’est un vrai thriller que nous concocte le Rouletabille de la Chine nouvelle, j’ai nommé Eric Meyer.
Guillaume B.
19 septembre 2012 à 10:27Quel que soit mes sources, j’ai toujours du mal à évaluer les influences des réseaux extérieurs à la Chine. Le plus dur pour moi est de savoir jusqu’à quel point, que ce soit par corruption ou idéologie et intéret commun, les réseaux/forces politiques chinoises collaborent avec ce qu’on pourrait appeler l’Empire (Instances Internationales diverses ayant toutes origines, financement et but communs). Partout dans le modne depuis 60 ans pour être gentil, la politique interne de tous les pays est parasité violemment par ces thinks thanks, services secrets, ONG douteuses et instances officielles. la France n’y echappe pas. A quel point les scandales qui tombent en rafales autour de ce changement du 1er Secrétaire du Comité Permanent est utilisé/fomenté par des forces extérieures. Je sais qu’ils n’en sont rarement une cause exclusive ici mais ce serait intéressant d’essayer dans un prochain billet de tenter une évaluation. Moi je n’arrive pas à la faire personnellement.
Merci pour cet article!
DE SCHEPPER
1 octobre 2012 à 06:54CENT DROLES D’OISEAUX…. PAGE 169.
24 septembre 2012 09:42
« 108 nombre bouddhique »
Ce nombre, assez énigmatique, en fait « remonte à la plus haute antiquité » indienne, bien avant le bouddhisme.
Il serait du reste intéressant d’étudier tout ce que cette pensée, née en réaction du brahmanisme, a profondément conservé de ce dernier. Mais, ceci est une autre histoire.
Sous toutes réserves, et, entre autres :
– Shiva portait un collier de 108 graines de Rudraksha ou même de 108 têtes de mort. Il aurait connu 108 pas de danse.
– Dans le zodiaque lunaire indien, il y a 27 constellations dans lesquelles la lune passe un jour. Comme il y a 4 phases de la lune, cela nous donne 27X4 = 108.
A rapprocher de Daksha, un des fils spirituel de Brhama dont 27 des 60 (!) filles se seraient mariées avec Chandra déité védique de la lune à l’origine de ces 27 constellations.
– En sanskrit (?) le nombre 108 aurait un rapport avec le mot « victoire » ?
– pour terminer, un peu de numérologie : 1 puissance 1 X 2 puissance 2 X 3 puissance 3 = 108.
Enfin postérieur au bouddhisme, mais, intéressant pour la durée du symbolisme, les 108 héros du roman chinois « Au bord de l’eau »
Il y a bien d’autres explications, mais, j’arrête, car, je fatigue un peu.
Sincères salutations.
PIERRE DE SCHEPPER
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