D’ici 2031, dit Boeing, la Chine achètera
5 260 avions (15,5% du monde, pour 670 milliards $). Un marché contrôlé par le groupe de Seattle et par le consortium européen Airbus. Pour ces géants, le défi d’avenir consiste à conserver leurs parts.Airbus vient d’assurer (30/08) la reconduction de sa licence d’assemblage d’A320 à Tianjin pour 10 ans (2016-2026). En prime, il obtient une commande de 50 A320 produits sur place (dont 25 A320 « néo », moins gourmands en kérosène). Mais rien sans rien. Dès cet été, le ministère chinois de tutelle avait demandé d’exporter ces avions, chose exclue par contrat, ce qu’avaient rappelé le Quai d’Orsay et l’état-major du groupe. Or deux mois après, Pékin contourne le blocus, en vendant ces appareils à des filiales de leasing de banques chinoises… Pour les louer (à l’étranger aussi !), puis les céder en crédit-bail. Airbus vient d’accepter une « dérogation » : la commande du 30/08 va à ICBC Leasing, filiale de la première banque chinoise, qui placera les premiers chez Air Asia, le low-cost malais.
F. Brégier, nouveau patron d’Airbus, était « fier de soutenir la croissance des entreprises chinoises de leasing ». Mais quelques jours plus tard (03/09), le constructeur assure que les A320 de Tianjin « restent destinés au marché chinois », les cas de leasing vers l’étranger devant rester « marginaux ».
Clairement, il y a malaise. Pour imposer cette rupture d’une clause du contrat, la Chine a pu jouer sur la licence de la chaîne de montage de Tianjin après 2016. Et sur le fait que, quoique de qualité égale à ceux montés à Hambourg ou Toulouse, les Airbus de Tianjin souffrent en Chine-même d’une préférence pour leurs jumeaux européens. Par ailleurs, on peut supposer que la Chine, avec ses ambitions de puissance aéronautique mondiale, veut dès aujourd’hui se faire la main sur les marchés internationaux, avec le produit qu’elle a déjà : ses Airbus made in China… N’empêche que pour le consortium, la pilule est amère, après avoir accepté de s’installer en Chine, au risque de transferts indésirables de technologie vers le C919 chinois (sortie en 2016), et de concurrence commerciale « illégale » sur ses autres marchés. L’évolution des ventes reste comparable à celle de Boeing, lequel s’est abstenu de prendre tous ces risques.
Par ailleurs, Air France Industries (AFI, 3ème pilier du groupe AF), monte deux usines de maintenance en Chine (Xi’an et Shanghai), pour 2013. Le terme « ateliers » serait plus correct, vu la modestie de l’investissement initial (6 millions de $) et du personnel (40 mécanos).
Mais de toute évidence, ces sites seront appelés à connaître une croissance rapide, dans l’entretien des pièces et moteurs des compagnies locales. N°2 mondial de sa catégorie, Air-France-KLM Engineering & maintenance (la branche dédiée) réalise plus d’1 milliard d’€ (1/3 de son CA total) sur des appareils d’autres flottes. Déjà présent à Singapour et à Dubaï, il veut sa part du marché asiatique (3% de croissance par an, attendus d’ici 2022). Y-a-t-il rapport avec le drastique plan de restructuration du groupe au pavillon tricolore (5000 suppressions de postes imposées d’ici 2015) ? Ce dernier s’en défend vigoureusement – et nous n’avons trouvé aucun argument pour le contredire !
Sommaire N° 28