D’après un officiel présent à Beidaihe (fin juillet/mi-août), le conclave secret de centaines de leaders du Parti se tint dans une ambiance inquiète, sous la lumière bleutée de l’affaire Bo Xilai.
Sans concession, Hu Jintao harangua des heures durant sur l’avancée galopante de la corruption, de la pollution, de l’endettement des provinces. Sous ce climat d’urgence, un consensus semble s’être dégagé, soutenant la demande du 1er Secrétaire, pour réformer la structure de l’organe suprême du Comité permanent (CP). A neuf membres, il abrite une minorité conservatrice (léguée en 2003 par Jiang Zemin) qui aboutit à la fois au pouvoir personnel (chacun son portefeuille) et au blocage des décisions collectives et à une paralysie des réformes, d’où a surgi l’affaire Bo Xilai, qui déclencha de grands espoirs comme panacée d’un homme providentiel faisant le travail sans s’embarrasser des lois.
En mars, il se disait que Zhou Yongkang, 69 ans, patron des polices (Chef du Comité des affaires politiques et légales), léguerait sa charge en octobre à … Bo Xilai, qui s’en servirait pour étendre au pays le « modèle de Chongqing », en accord avec diverses mouvances… C’était un risque de coup d’Etat.
Le crime de Gu Kailai (cf p3) vient « à point » pour enrayer ces visées. Mais pour la frange du régime au pouvoir (la majorité, autour de Hu), l’affaire impose de tirer des leçons pour prévenir tout retour d’un tel scénario.
Le pouvoir veut réduire à 7 membres le Comité Permanent, avec moins de vieux gardes rouges, plus de jeunes technocrates. Moins de dossiers « chasses gardées » et le retour à une tradition de décisions collégiales.
L’autre décision est encore plus claire : le successeur de Zhou perdra sa place au Comité Permanent, pour descendre au Bureau politique. Ainsi, le patron de 660.000 hommes de la Police armée aura désormais un chef, sans doute, Li Keqiang, dauphin de Hu Jintao, pour qui ce dernier brigue le poste de vice Président de la Commission militaire centrale, tête de l’armée (APL) : dès lors, plus de coup d’Etat possible.
Hu met dans la balance son départ de ses trois postes (n°1 de l’Etat, du Parti, et de l’APL comme chef de la CMC) d’ici mars. Refusant de s’accrocher aux rênes de l’armée comme l’avait fait Jiang durant deux ans. De ce fait, il revendique un style « propre et net », pointant du doigt l’Etat de droit, qui est désormais son mot d’ordre et son héritage pour la nation. Mais en contrepartie, il revendique pour Li (son futur « chargé d’affaires ») ce poste de n°2 de l’APL, et pour sa fraction –probablement– la majorité au Comité permanent !
« Mais », dit ce haut cadre, « l’accord n’existera, qu’une fois le consensus atteint sur la liste des 7 leaders », lors de l’imminent plenum du Comité Central, voire même jusqu’aux heures précédant l’ouverture du XVIIIème Congrès. En clair, on voit perdurer une forte popularité de Bo Xilai, protégé par une coalition hétérogène de gauchistes, « petits princes » (et leurs clans respectifs) accrochés à leurs privilèges, ou bien citoyens de tous bords, angoissés par la montée de l’occidentalisation et la multiplication des nouveaux entrepreneurs qui ponctionnent, à travers leurs conglomérats privés, une part excessive du PIB.
Non limitée à une poignée d’aïeuls, la nostalgie maoïste touche de vastes pans de la société, y compris des quadra de retour des universités américaines. Pour beaucoup, Bo Xilai est « victime d’une machination ». Et Jiang Zemin demeure assez puissant pour s’être juste fait dédier au Quotidien du Peuple (21/08) un vibrant panégyrique. En somme, pour le prochain pouvoir, rien n’est joué !
Sommaire N° 27