Agroalimentaire : Après la course au lait, la bataille de la qualité

Pour Yili, n°1 national, détruire six mois de sa production de lait pour bébé, plombé au mercure, fut un coup dur. Et pour tous les producteurs locaux, de même.

Si en lait frais les producteurs locaux n’ont pas de soucis à se faire (pour raisons techniques, ils gardent un monopole en lait frais, yaourts…), sur le marché du lait en poudre pour bébé, l’étranger tient 50%, et la course est engagée pour la qualité. L’un après l’autre, les producteurs veulent contrôler les éleveurs. 

Pour R. Decorvet, Président de Nestlé Chine, « le modèle du petit élevage privé n’est plus soutenable », ne serait-ce au nom de l’objectif de l’Etat de renforcer la productivité.

Nestlé a réduit le nombre des petits fournisseurs de 30.000 à 12.000, et crée au Heilongjiang un centre de training et deux fermes de 10.720 têtes (pour avril 2013). Il espère aussi voir sa part du marché « bébé » passer à 12%, une fois avalisé son rachat (avril 2012, pour 11,75 milliards de $) de la branche mondiale de Pfizer.

Fonterra, le n°1 mondial (Nouveelle Zélande), qui vend chaque année pour 2 milliards $ en gros aux groupes chinois, crée lui ses larges laiteries autour de Pékin. China Modern Dairy (contrôlé à 24% par l’investisseur KKR- Kohlberg Kravis Roberts) possède 150.000 laitières provenant de l’hémisphère sud. Yashili est possédée à 24% (pour 130 millions de $) par Carlyle. En juin 2011, Müller Milch (Allemagne) plaçait 45 millions de $ dans Huaxia Dairy ; en mai, Bright Dairy montait une ferme à 20 millions de $ à Wuhan, et Yili ouvrait en Mongolie un élevage de 5.000 têtes (35 millions de $).

Mengniu lance le projet le plus inattendu. Cet ex-n°1 du secteur s’associe à Arla Foods, son fournisseur dano-suédois en ingrédients laitiers et en service de R&D : Arla paie 289 millions de $ pour 6% du groupe, et recevra en échange un marché quintuplé à 600 millions de $, d’ici 2016. Le risque est de se retrouver compromis dans d’autres affaires de qualité à l’avenir.

La plupart des nouveaux joueurs, sans tradition laitière, sont des investisseurs opportunistes, dont le maintien dans le secteur n’est pas garanti, et qui tablent sur la demande chinoise, face à laquelle la Nouvelle-Zélande elle-même commence à ne plus suffire. Par bonheur, un « joker » apparaît, qui pourrait aider à combler ces besoins : à partir de 2015, une Europe verte partiellement dérégulée produira 9 milliards litres de lait de plus, dont une partie s’exportera (en poudre) en Chine.

Un espoir s’estompe, celui de décupler la production laitière chinoise grâce à la prairie mongole, laquelle est limitée en pâturages. Pour étancher la soif laitière du Céleste Empire, seule la stabulation (bétail maintenu dans un espace restreint) offre la productivité suffisante, à condition d’améliorer le cheptel par des espèces importées. Mais ici aussi, arrivent des limites : l’aliment, aussi importé (tourteau de soja brésilien, « pellet » de maïs américain), n’est pas disponible à l’infini, et le traitement du lisier, très polluant, pose de lourds défis techniques. De ce fait, la taille maximum de la ferme ne peut dépasser 10.000 têtes. On discutait de tout cela à Zhengzhou (Henan) le 18/06, en présence de Gao Hongbin, vice-ministre de l’Agriculture.

Clairement, les années noires des scandales laitiers ne sont pas encore terminées. Mais lentement, grâce aux efforts de l’Etat, les réseaux de formation et de contrôle qualité se mettent en place – on est sur le bon chemin.

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