En visite dans le Fujian, en mai, le 1er ministre Wen Jiabao déclarait qu’il faudrait « briser le monopole » des banques, leurs profits « trop faciles ».
En 2011, l’ICBC avait amassé 33 milliards de $ de profits en prêtant aux groupes d’Etat à 3,5% – le privé et l’étranger restant sur la touche, exclus du circuit (du prêt, comme de l’emprunt).
Épicentre de la crise, la finance est sous tous les regards. Mais quelle est aujourd’hui la politique financière de l’Etat ?
Le 05/06, pour la seconde fois, Wen reporte l’ application des règles du comité de Bâle, des banques centrales qui prétendent à l’avenir prévenir les crises en resserrant sur le marché financier les ratios d’adéquation au capital (à 11,5%), de provision pour mauvais prêts (2,5%), de levier (4%) et de couverture/liquidités (100%). Elles devaient s’ appliquer en janvier puis juillet 2012 : elles sont reportées à 2013. En plus de ce report, l’Etat offre aux banques de compter comme actif, la provision pour mauvais prêts, et leur donne 10 ans pour éliminer les outils financiers désormais interdits. Il justifie le délai par le souci de maintenir une « croissance de crédit appropriée ». Ce qui trahit la nervosité d’un Etat confronté à 8,1% de croissance au 1er trimestre, la plus faible en trois ans. Ce choix est légitime – pour respecter les critères de « Bâle-III », les partenaires ont fixé 2019 comme date butoir.
Le surlendemain (07/06), la Banque centrale baisse le taux d’intérêt de 0,25% (cf VdlC n°21). Surtout, elle offre aux banques une latitude de 0,10% de bonification des dépôts, et 0,20% en allégement des prêts. C’est un début de dérégulation du crédit qui, pour commencer, rend l’emprunt moins cher, et le dépôt plus alléchant.
Puis (4-11/06) l’Etat arrête 4 banquiers : Tao Liming, Président de la Banque postale, et ses adjoints Chen Hongping et Zhang Zhichun. Récente (2007), cette banque très présente à la campagne gère 2800MM¥ de dépôts, n°2 nationale derrière ICBC (Industrial & Commercial Bank of China). Les délits dont sont accusés ces cadres restent secrets. Contrairement à ceux imputés à Yang Kun, n°2 de la Banque de l’Agriculture, et He Juxin, de la banque privée Minsheng. Ils auraient prêté 3 milliards de ¥ à Wang Yaohui, promoteur pékinois, qui les aurait utilisés pour rembourser à Macao des dettes de jeu équivalentes.
Mêmes causes, mêmes effets : ces princes de la finance rouge ont des pouvoirs quasi illimités sur les dizaines de milliards de $ d’actifs sous leurs ordres. Issus du sérail, ils ne peuvent guère refuser la demande de leurs pairs, de financements, même illégaux. La tentation avait déjà fait chuter en 2006 Zhang Enzhao, Président de la CCB (China Construction Bank), condamné à 15 ans de prison. Une des conséquences, est la privation du crédit aux PME, le secteur pourtant le plus dynamique – et par voie de conséquence, le développement d’une finance grise clandestine, moins sûre et à taux usuraires. Cette banque d’Etat présente une tradition d’irresponsabilité, due à son ascension vertigineuse (en 20 ans) d’un statut de quasi-faillite à celui de leaders mondiaux, grâce à l’injection de 650 milliards de dollars gratuits.
Aujourd’hui, les cinq sœurs publiques sont à un tournant, obligées pour la 1ère fois de prêter de manière responsable, et de rouvrir le robinet (pas qu’à l’Etat). On voit la contradiction d’un Parti n’osant pas priver ses cadres de leur traditionnelle « tirelire », mais ne pouvant plus se permettre de dérives, vu les échelles de grandeurs des pertes prévisibles.
La réforme prétend ouvrir le circuit au privé. Mais on ne voit toujours pas quelle place, quelle concurrence sera tolérée au privé et à l’étranger – lequel, après 30 ans d’efforts, se contente de 2% du marché, de 1,7% des dépôts, et de 387 agences face aux 66.600 des cinq sœurs.
Tant que l’Etat n’évoquera pas cette ouverture, promise à l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, mais en pratique inappliquée, sa réforme financière restera lettre morte. Si le tandem Wen Jiabao – Hu Jintao n’a pas trouvé aujourd’hui la force de terrasser le dragon provincial lobbyiste Parti-Finance, où donc son successeur Xi Jinping – Li Keqiang le trouvera-t-il après le Congrès d’octobre ?
Sommaire N° 22