«D’ici 2016, nous allons améliorer l’harmonie avec la Chine… Les électeurs nous ont donné un mandat pour négocier la paix et la convertir en opportunité économique ». Le 14/01 au soir, à Taipei, un Ma Ying-jeou extatique criait ces mots à des centaines de milliers de citoyens, suite au décompte de 99% des suffrages du scrutin présidentiel. Avec 51,6% des voix, il remportait pour son parti nationaliste Kuomintang (KMT) un 2d mandat de président, et une majorité (réduite mais effective) au « Yuan législatif », le Parlement.
Le matin encore, l’affaire n’était pas gagnée. Leader du parti DPP (indépendantiste), Mme Tsai Ing-wen le talonnait à 3% derrière, soutenue par des millions d’insulaires fâchés. Les patrons de PME accusaient l’érosion de leurs affaires. D’autres vivaient mal le rapprochement avec un géant chinois dévorant tout sur son passage. Ma venait de rétablir les postes et télécoms, la navigation maritime et aérienne, et faciliter les investissements et échanges par un traité commercial préférentiel.
Mais comme toujours en ces rendez-vous d’opinion, les critiques avaient crié tout leur saoul tandis que les satisfaits s’étaient tus (cf notre photo et son slogan, « nous ne voulons pas un scrutin-reculade de plus », selon interprétation du VdlC). De ce fait, l’image des rapports de force était distordue, et à l’heure du décompte, le DPP se retrouvait confirmé dans son rôle d’opposition avec 45,6%.
Est-ce un hasard si ce résultat répond aux attentes des Etats-Unis ET de la Chine, pour une fois d’accord dans l’espoir d’une continuité de Ma aux commandes ? Garant de l’indépendance de facto de Taïwan, Washington avait autant envie que de se pendre, de voir l’île succomber aux chimères d’une sécession unilatérale inacceptable à Pékin. Laquelle bien-sûr vote pour le KMT, seul à reconnaître depuis toujours l’unicité de la Chine, et considère toujours le DPP comme sa bête noire, au même titre que le Dalai Lama.
Aucun doute, dans sa décevante prestation, Mme Tsai paie toujours l’épouvantable bilan de Chen Shui-bian, 1er et dernier Président taïwanais DPP (2000-2008) qui avait brillé par son immobilisme et par sa corruption (aujourd’hui en prison, pour 17 ans).
Mais par sa politique d’ouverture à la Chine, Ma a sans doute épargné à ses concitoyens le plein fouet de la récession américaine, en remplaçant ce marché à l’export par celui du continent. L’an passé, l’île exportait vers la Chine pour 124milliards de $, surtout en électronique mais aussi en fruits et légumes du sud de l’île.
Côté Chine, Hu Jintao a aidé Ma en troquant les maladroites pressions du passé contre une main tendue. Il évita tout commentaire durant la campagne, et baissa les prix des billets d’avion vers Taiwan, permettant à 300 000 managers insulaires de retourner voter… « bien », pour la plupart !
Enfin, sans préjuger de l’avenir, Ma a les mains libres. La prochaine étape des palabres sera probablement un traité de paix et d’association avec Hu d’abord, puis surtout avec son successeur Xi Jinping, en 2013.
Sommaire N° 2