Vice-ministre des Affaires étrangères de Chine, Liu Zhenmin affiche une des priorités de l’année, la réhabilitation des relations avec l’Asie. C’est peut-être paradoxal pour un pays se targuant de liens étroits avec ses voisins souvent confucéens comme lui-même, mais l’appel d’offres d’Obama (nov. 2011) pour un partenariat commercial transpacifique (future 1ère zone mondiale de libre échange) et pour de nouvelles initiatives de défense, a fait l’effet d’un électrochoc, révélant à Pékin un vrai cauchemar : ces deux initiatives américaines l’excluaient, et pire, avaient été plutôt bien accueillies par les intéressés.
Aussi la Chine veut restaurer les rapports, avec son atout majeur, sa force de frappe de 1er partenaire commercial de la région. 1ère étape : la Corée du Sud, dont le Président Lee Myung-bak venait (09-11/01), à l’approche des 20 ans de relations diplomatiques. Les échanges sont forts (près de 245MM$ en 2011, 300MM$ d’ici 2015), les relations aussi. Sujet incontournable : la Corée du Nord. Comme de coutume, sur ce lourd héritage historique, le débat est resté secret. En période de récession et de reprise du pouvoir au Nord par Kim Jung-un, le « cher successeur », Séoul pas plus que Pékin, ne souhaite déstabiliser la barque du « pays du Matin calme ».
On a avancé le projet de zone de libre échange (ZLE) : une fois apaisées les inquiétudes des fermiers et des pêcheurs coréens, les négociations débuteront – cette année !
Pékin a aussi relancé son propre projet de ZLE trilatérale avec le Japon – alternative à celle transpacifique. Mais à Séoul, les lobby pro-américains veillent au grain, au nom de la sécurité. En cette partie pourtant, la Chine dispose d’une main forte : 30% des exports sud-coréens vont vers l’Empire du Milieu, contre seulement 5% des livraisons chinoises dans l’autre sens. Du point de vue de Séoul d’ailleurs, ce rêve chinois d’intégration triangulaire devrait lui mettre en main un levier, pour exiger-accélérer la réunification de la péninsule.
Second volet de l’offensive de charme chinoise, le sommet à Pékin (13-15/01) entre Chine et les 10 pays de l’Asean, sur la paix maritime en Mer de Chine du Sud. Un rendez-vous imposé, dont l’on attendait peu – les Philippines et le Vietnam restant campés dans la défense de leurs droits.
L’autre paramètre de la question asiatique pour Pékin, est Washington. Celle-ci réitérait (05/01) sa nouvelle priorité de défense envers l’Asie-Pacifique, une fois sortie des bourbiers irakien et afghan. Pékin attendit quatre jours pour réagir : avec retenue, priant les Américains de modérer « leurs mots et leurs actes ». Les faucons chinois n’ont pu se lâcher qu’un jour plus tard, preuve d’une discipline imposée, et d’une volonté de calme. D’autant que venait T. Geithner (10-11/01), secrétaire américain au Trésor, plaider le blocus des achats de pétrole iranien, pour forcer Téhéran à lâcher son programme nucléaire. Or sur ce point, Pékin ne veut pas transiger.
Pour Pékin, la « reconquista » asiatique sera tout sauf aisée. Ses citoyens ne l’aident pas – le 08/01, un ressortissant lance 4 cocktails Molotov sur l’ambassade du Japon à Séoul. Idem, sa chancellerie irrite l’Inde, en déniant un visa à un officier de l’Arunachal Pradesh, revendiqué par la Chine (06/01)… En apparence, sur cette réconciliation recherchée, des intérêts contradictoires s’entrechoquent au sein de la jungle de l’administration du Céleste Empire !
Sommaire N° 2