Après la chute de Bo Xilai, la saga se poursuit.
[1] Des révélations d’abord.
Bo aurait fait torturer voire exécuter pour extorquer leurs biens, des hommes d’affaires qu’il accusait de mafia, « faisant reculer de 30 ans la réforme judiciaire en Chine » (selon He Weifang, professeur de droit, Pékin). Parmi les victimes comptent Li Jun (spolié de 700M$ avant de pou-voir fuir le pays), Gong Gangmo (industriel frappé de la perpétuité), Fan Qihang (immobilier, exécuté), et Li Zhuang, (avocat, condamné à 30 mois de prison pour avoir pris leur défense). Gu Kailai, épouse de Bo Xilai, est accusée par Wang Lijun d’avoir fait éliminer en novembre 2011 le Britannique Neil Heywood, proche de la famille, ayant placé leur fils Guagua dans la prestigieuse école de Harrows. Heywood est aussi réputé avoir été agent du MI6 britannique. Une rumeur avance que c’est ce crime qui a incité Wang Lijunà réclamer des explications à Bo, puis pour sauver sa vie, à fuir au Consulat américain de Chengdu. On ignore pourquoi Wang avait renoncé à rencontrer le Consul de Grande-Bretagne, à Chongqing-même.
À côté de ce scénario noir, le kidnapping de Zhang Mingyu apparaît anodin. L’édile de Chongqing fut arrêté à Pékin durant l’Assemblée nationale populaire (ANP) pour le réduire au silence, puis ramené à Chongqing par la route (23h) par 10 policiers, et enfin libéré la veille de la chute de l’ex-« roi rouge » de Chongqing.
[2] La purge des « pro-Bo » bat son plein à Chongqing, avec au moins 38 procureurs et juges démis, et des apparatchiks tels Chen Cungen, Président de l’Assemblée locale, Xia Zeliang (un secrétaire du Parti), et Wang Pengfei (un commissaire).
[3] Si le passé émerge par bribes, le présent reste trouble. Un flux convergent d’analyses envisage (cf VdlC n°12) un complot associant Bo Xilai et Zhou Yongkang (patron des polices et du système judiciaire) avec des proches de l’avant-dernier Président Jiang Zemin. Lors de la réunion du Comité Permanent du 07/03, 8 des 9 membres votèrent le limogeage et la mise en examen de Bo—sauf Zhou.
Depuis, on assiste à un double mouvement de l’Etat : – le dévoilement progressif et prudent des « fautes » de Bo Xilai, dont la principale semble être n’avoir pas rapporté à Pékin le décès suspect du Britannique, et – la tentative de restaurer un consensus. C’est ainsi que les ministres, les secrétaires provinciaux ont été consultés, ainsi que des anciens comme Zhu Rongji, Li Peng, Li Ruihuan ou Qiao Shi. Dans les débats internes, l’accusation de «trahison» n’est pas rare : contre Wang Lijun (pour l’escapade à Chengdu), contre Zhou (pour n’avoir pas lâché Bo)…
De fait, un projecteur nouveau s’allume, focalisé sur le patron des polices et du système judiciaire. Symptomatiques, pas moins de deux conférences nationales de police et de droit ont eu lieu en huit jours, autour du 20/03 à Shanghai, puis du 23 au 29 à Pékin. À chacune, Zhou émit des messages discordants. À Shanghai, où il fut empêché d’assister, il plaida par une lettre fréquemment citée, pour plus de démocratie et de transparence, adjurant de mieux respecter « le droit des citoyens à participer, à superviser les métiers de la politique et du droit ».
Tandis qu’à Pékin, Zhou présida les débats de 462 secrétaires de niveau provincial, municipal et de district, convoqués en urgence pour ce meeting de « formation » : là, Zhou s’en tint à une ligne strictement officielle, avertissant de respecter l’obédience aveugle au sommet de l’appareil.
Ceci est interprété, depuis Taiwan, comme un genre d’« assurance politique » pour le chef de l’Etat, qui peut partir serein en voyage à l’étranger, ayant bloqué dans la capitale tous les cadres de province sous surveillance… Si cela s’avérait authentique, la confiance serait loin de régner dans un ciel sans ride !
Sommaire N° 13