Le ministre de la Santé,
Chen Zhu lance un rare pavé dans la mare le 9 mars, en dénonçant publiquement le blocage de sa réforme initiée en 2009. Dotée de 125 milliards de $, elle devait déployer une couverture sociale, mettre aux normes 30.000 hôpitaux, et surtout démocratiser les soins en mettant un terme à la surfacturation des remèdes.Certes, plusieurs objectifs ont été atteints. Des milliers d’hôpitaux ont été rénovés. Une sécurité sociale (encore que bien légère) couvre tous les citadins, 95% des ruraux – la caisse paysanne est passée de 4 milliards de ¥ en 2004 à 130milliards de ¥ en 2010. Deux listes de remèdes conventionnés ont été dressées, permettant jusqu’à 30% de baisse des prix. L’une concerne 307 médicaments essentiels, l’autre englobe 196 génériques remboursés et 1624 médicaments plus chers (que la province se réserve de rembourser ou non).
Mais cette baisse des prix ne fait pas que des heureux. Les groupes pharmaceutiques veulent sauvegarder leurs profits, sous prétexte d’assurer la « qualité avant tout », et la recherche des « médicaments de demain ». Autres insatisfaits, les hôpitaux : pour compenser les actes médicaux réglementairement bradés, ils se rattrapent en se payant à 90% sur la vente de médicaments hors listes et hors de prix.
On voit donc le système de santé résister à la réforme. Pourtant, la Chine vieillissante ne peut plus attendre, passée en 2009 à 178 millions de sexagénaires, avec explosion de maladies chroniques, telles le cancer (+ 80% en 30 ans) ou le diabète (92 millions en 2010, 150 millions potentiels).
D’ici 2016, pour combattre la vénalité des médecins, Chen Zhu veut relever les salaires, porter les opérations à leur coût réel. Pour baisser les frais du patient, il veut :
[1] étoffer la liste des essentiels à 800 remèdes d’ici 2015 (dégageant 1,6 MM$/an d’économies),
[2] multiplier les commandes groupées d’hôpitaux sur appel d’offres,
[3] porter la part de l’Etat dans la prise en charge des soins de 28% à 33%.
Reste la question forte : avec quel argent ?
Chen veut convaincre l’Etat de renflouer son budget de santé. Au 12. Plan (2011-’15), ses dépenses doubleront de 277milliards de $ à 590 milliards de $. Mais on est loin du compte, avec une santé ne recevant que 5% du PNB contre 10 à 15% pour les pays de l’OCDE. Il faut donc trouver d’autres ressources. L’une est l’hôpital privé, que le ministre veut promouvoir, et encourager les médecins à y exercer en même temps que dans le public.
L’autre est la décentralisation. Le Conseil d’Etat envisagerait de remettre aux provinces et aux villes une branche de la santé, financée par 5 à 7% des recettes de la TVA future. Il leur garantirait aussi le remboursement des déficits.
Mais la formule comporte d’immenses risques : une santé à deux vitesses selon la prospérité de la province, et une fraude institutionnalisée sur ces « déficits » devenus rentes de situation. La suite, on l’a deviné, est affaire de choix politique d’avenir !
Sommaire N° 12