Juridique : La peine de mort, sous les spots de l’ANP

À la session de l’ANP, l’Assemblée Nationale Populaire, s’est invité un thème que le régime n’aime guère – la peine de mort. Esquissant le débat, les élus ont reflété la montée d’un malaise de l’opinion vis à vis de cette pratique qui cause, selon l’ONG Dui Hua (USA), 4000 exécutions en 2011—plus que le reste du monde.

On plaide pour Wu Ying, banquière clandestine, condamnée au Zhejiang en 2009 pour avoir levé illégalement 118 millions de $ d’épargne. La confirmation en appel, (18/01), a causé des milliers de protestations sur l’internet chinois. Avant son arrestation, la financière de l’ombre avait réussi à rembourser la moitié des fonds, et avait ensuite coopéré avec la justice. Surtout, par sa «tolérance zéro», le système veut clairement tuer la banque grise, quoique celle-ci soit à peu près la seule source de crédit accessible aux PME, vu la quasi exclusivité accordée par les banques publiques aux grands groupes d’Etat, aux millionnaires et aux organes du Parti. Le vent tourne: à l’ANP, plusieurs édiles tel Zhuang Qichuan, PDG de Nice Group, ont demandé la grâce de Wu Ying – la Cour suprême, « avec prudence » (sic), rouvre le dossier.

La peine de mort réapparaît aussi, à propos de transplantations d’organes. Devant la CCPPC (06/03), Huang Jiefu, vice-min. de la Santé avoue que 2 ans après le vote de la loi des dons volontaires d’organes, la source n°1 des reins ou coeurs transplantés, reste la prison. Même ainsi, face aux 1,5million de patients en attente, seuls 1% y accèdent. Mais là encore, l’aveu cause le tollé sur la toile. Le ministère lance en mars un projet-test dans 163 hôpitaux, de dons d’organes sous l’égide de la Croix Rouge Chinoise. Mais on doute qu’il fasse l’affaire, vu l’impératif très fort en Chine, de passer dans l’autre monde avec un corps complet. Et le récent scandale de corruption de la Croix Rouge ne fait rien pour arranger les choses.

Sur la question centrale, Lang Sheng, officiel de l’ANP réitère (08/03) la promesse de l’Etat de limiter les exécutions et rappelle que depuis 2007, la Cour suprême doit confirmer toute peine capitale. En 2011, un amendement à la loi criminelle a réduit de 20% les crimes passibles du verdict. Et l’ANP a voté un dernier amendement qui oblige la Cour suprême de consulter la défense de tout condamné, afin de mieux évaluer la gravité du crime reproché.

 Sur le fond par contre, le régime reste favorable à la peine de mort «pour longtemps encore», selon le terme de l’élu Fang Zhiyuan. Sous cet angle, le socialisme reste l’héritier de l’ancien régime, et de 4000 ans de loi du Tallion passée dans le proverbe 杀鸡骇猴 (shā​ jī​ hài​ hóu​, « tuer le coq pour effrayer le singe »).

Et c’est là qu’intervient la césure croissante entre le régime et l’opinion publique, qui dérive insensiblement vers la vision humanitaire des démocraties, par exemple au nom des souffrances de la mise à mort, et du risque d’erreur judicaire. Une attitude qui dérange le cadre, car elle menace un de ses outils de pouvoir. Ainsi chaque semaine depuis 2006, «Interview avant exécution », l’émission-phare de TV-Henan montrait la vie d’un criminel durant ses dernières heures. Début 2012, elle était suivie par 40 millions de téléspectateurs. Il a suffi que la chaîne américaine PBS puis la BBC s’y intéressent pour que la haute Cour provinciale la fasse interdire ce mois-ci : trop sensible !

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