Le Vent de la Chine Numéro 10
Pour cette dernière année de son mandat, le Premier ministre
Wen Jiabao présenta à la presse le 14/03 un flamboyant testament politique.Le temps fort fut un avertissement sec à Bo Xilai, le secrétaire du Parti de Chongqing, «Roi» de cette plus grande ville du pays avec 35 millions d’âmes. Wen reprochait à Bo d’avoir laissé s’enfuir en février son allié Wang Lijun vers le consulat des USA à Chengdu (Sichuan). Et de fait, selon un scénario bien rodé, se confirmait le 15/03, la chute de cet apparatchik qui, en janvier encore, était assuré d’une place au Comité Permanent, l’organe suprême.
Pour comprendre la mystérieuse affaire, la grande question est celle des raisons de la fuite de Wang au Consulat. Difficile de reconstituer le tableau, sous l’épais secret qui entoure le dossier. Bo était la figure de proue du clan des « petits princes », (fils de Bo Yibo, un des fondateurs du régime et compagnon de Deng Xiaoping). Il s’était aussi rendu célèbre en 2010-2011 par un programme massif de remise en vogue de la culture maoïste à Chongqing, qui forçait la main à Pékin.
La rumeur lui prête des débordements tyranniques et illégaux, comme avoir fait arrêter des businessmen à Chongqing, à seule fin de les dépouiller sous prétexte (fallacieux) d’appartenance aux triades ou par simple règlement de comptes.
Plus lourd, un autre bruit lui prête des tentatives pour assumer en octobre prochain, au Comité Permanent, le rang de Chef de toutes les polices. Disposant d’une aura (justifiée ou non) d’homme « pour le peuple », d’un passé d’administrateur capable, et de croissance «sociale» et «équitable», il aurait médité d’obtenir la majorité au sein de cet exécutif national, pour un tournant à gauche endiguant corruption et course aux fortunes privées pour laisser place à une redistribution plus équitable de la croissance. Un scénario échevelé, non démontré, mais qui était probablement la seule chance pour Bo Xilai d’accéder au pouvoir.
Mais attention. A ce stade, Bo Xilai n’a perdu que son poste provincial. Il reste un des 25 membres du Bureau politique. Son sort n’est pas scellé. Zhang Deqiang, son remplaçant (l’incolore ex-vice 1 er ministre formé à Pyongyang) est proche de Jiang Zemin et de… Bo Xilai : un candidat de compromis, qui suggère au sommet une division sur l’avenir de Bo, tandis que la lutte de succession de Hu Jintao, loin d’être réglée, fait rage. Li Yuanchao, homme lige de Hu, faisait le 15/03, à Chongqing, le discours de reprise en main: il releva les « éminentes contributions» de Bo au bien-être de la ville, suggérant ainsi l’abandon de poursuites ultérieures.
Ce que cette purge traduit surtout, est un coup de barre à droite de la part d’une direction déterminée à empêcher dans la prochaine équipe, un retour national à une pratique égalitariste néo-maoïste, que Bo semblait capable d’instiguer. Sur le fond par contre, il n’est pas du tout sûr que la mise à l’écart du tribun de Chongqing puisse enrayer l’autre danger dénoncé par Wen devant la presse : « Une tragédie historique comme la Révolution culturelle peut revenir ».
L’alarme sonne depuis janvier en Chine, exprimant un grand malaise politique et social. Depuis 20 ans, tous les leaders qui se succèdent, se refusent à toucher à la réforme politique, par refus de perdre leurs privilèges. Ainsi en ce pays, tout a été modernisé, sauf le Parti et son rapport à l’Etat. La presse elle-même dénonce cette paralysie complice.
En face, une petite bourgeoisie exaspérée n’en peut plus d’attendre. En 2011, dit l’écrivain Yu Hua, 63% des foyers urbains voient leur enfant adulte à la charge des parents, faute de trouver du travail. La faute en revient à l’Etat qui n’a jamais cessé d’acheminer les crédits vers les grandes entreprises publiques, et d’en sevrer les PME qui génèrent 80% des emplois. Aussi cette classe d’enseignants, artisans et commerçants constitue la première clientèle au programme « rouge » de Bo Xilai…
Un conflit latent demeure, alors que le régime s’enferre dans son impossible refus de toute concession démocratique !
* cf notre blog de la semaine : « la Chine rêve de retour en arrière -vrai/faux? » http://www.leventdelachine.com/blog.php
Pour l’instant encore, mais peut-être plus pour très longtemps, la Chine étouffe sous ses dizaines de milliers de dépotoirs illégaux, montagnes de déchets aux fumets délétères autour des villes qui les alimentent.
C’est une image miroir, à double reflet : côté jardin, les Chinois dévorent un bien-être sans précédent et consomment toujours plus. Mais côté cour, le volume des ordures non retraitées atteint un point de non-retour. Il faut faire quelque chose. Heureusement, le sursaut est en cours.
Exemple à Shanghai : cette Mecque chinoise de l’efficience technologique a mis au point et lancé ses programmes de collecte sélective, invitant l’usager à trier ses déchets (entre ‘humides’ et ‘secs’), supprimant ainsi un obstacle majeur de la chaîne de retraitement. Sur les 22.000t/jour d’emballages et déchets des 22 millions d’habitants, 10.000t vont à la décharge légale, 7000t (30%) sont triés par les hordes de chiffonniers qui vivent du carton, plastique, verre et métaux. Enfin, 3000t sont traités en cinq incinérateurs « verts », soucieux de l’environnement. Restent encore des usines incompétentes et/ou malhonnêtes qui déversent leurs effluents en terre ou dans les rivières, comme ce fut le cas mi-février à Pudong (49 enfants atteints de botulisme). Mais en 20 ans, cette pratique a cessé d’être la norme, pour devenir délictueuse. Au plan national en 2011, selon les statistiques, déjà 71% des déchets municipaux collectés sont traités.
Pékin aussi est en passe de gagner le combat contre son malodorant dragon. La capitale génère 17.000t de déchets/j, en hausse de plus de 5%/an. Jusqu’à très récemment, elle les empilait en des milliers (si-si !) de petites collines. En 2010, le photographe Wang Jiuliang en visitait 400 en couronne autour de Pékin, qu’il appelait par dérision le « 7 ème périph » (cf points jaunes sur la prise de vue aérienne), immondices qui polluaient la nappe phréatique en sous-sol. Mais la photo suggère aussi que les sols propres et vierges viennent à manquer, pour les serres et champs de légumes, voire pour les nouveaux quartiers résidentiels. La plupart des cités satellites récentes sont bâties sur une « grande Muraille » des ordures datant de 10 ans, avec tous les désagréments et surcoûts que cela implique.
Autant, Pékin a dormi sur son problème pendant 30 ans, autant le réveil est vif, et les solutions adoptées depuis 2005 sont cohérentes. Quatre parcs de retraitement voient le jour aux quatre coins cardinaux, combinant recyclage, compostage et incinération. À l’Ouest, Lu Jia Shan (Mentougou) ouvrira en octobre. Financé par Shougang (aciéries de Pékin) pour 317 millions$, ce plus grand incinérateur d’Asie brûlera 3000t/j de déchets secs, 25% de la production municipale, et en tirera 300MW. Lu Jia Shan a été bâti sur un terrain de Shougang, peu peuplé. D’ici 2015, la ville veut brûler 40% de ses déchets et porter sa capacité à 30.000t/jour. Autrement dit, au lieu d’enterrer à 80% les déchets comme en 2011, Pékin prétend d’ici 2015 en reconvertir 55% en leur matière d’origine, ou en énergie. Au niveau national, le XII. Plan prévoit la récupération de 7 milliards de tonnes de déchets solides industriels dès 2015, double du chiffre de 2010.
Mais rien n’est simple : avant d’atteindre ce résultat, une série de problèmes devront être réglés, tel le rejet des incinérateurs par les riverains. Quoique de qualité mondiale, la centaine d’incinérateurs actuels en Chine, made in China, a renoncé pour raison de coûts au filtrage intégral des fumées. De ce fait en 2011, Panyu, commune riche deCanton a réussi à faire échouer l’implantation d’un incinérateur sur son sol. On devine la course contre la montre engagée, à mesure que les riverains apprennent à dire non : équipements collectifs, contre lobbies de quartiers.
En même temps, ville et Etat doivent mener double croisade, auprès des industriels et commerçants pour alléger les emballages, puis et auprès des usagers pour les amener à restreindre leurs déchets, et à les trier. Ici, les outils sont la formation, la fourniture de conteneurs sélectifs, et le prix, qu’il faut ramener à son coût de revient. Au 01/01, usines et collectivités payaient 25 ¥/t pour le ramassage de tout déchet, soit le quart du coût réel (au titre d’une vieille tradition de fourniture des services municipaux à prix socialiste, ramassage des déchets mais aussi eau ou énergies). Puis ce mois-ci, la taxe a plus que triplé à 90¥/t, sauf pour les déchets alimentaires triés. 2014 verra encore un bond en avant (triés à 90 ¥ /t, autres à 180 ¥ /t). Les restaurants refusant de trier seront d’abord verbalisés de 5000 à 50.000 ¥, avant de risquer le retrait de la licence. Pour les foyers, la taxe de 66¥/an ne montera qu’à partir de 2013 -la mairie espère former les usagers à stabiliser leur volume de déchets d’ici 2015. Le système prétend aussi éliminer des fraudes telles les huiles « de caniveau » usées, remises en vente après filtrage. D’autres problèmes apparaissent à la planification de la chaîne, trop complexe pour être mise en place du 1er coup sans bavure. Ainsi conçues pour les volumes actuels, les chaudières des incinérateurs ne suffiront plus pour l’objectif de tri ‘sec‘ de 2015. « À terme, prédit cet ingénieur chez Veolia, la notion de déchet disparaîtra, remplacée par celle de valeur ».
On voit donc émerger en Chine un marché des déchets, concentrant et privatisant une activité atomisée entre des milliers de services municipaux. L’étranger s’y est déjà fait une modeste place, comme Veolia avec 2% du marché national… mais 80% à Shanghai (avec une décharge, un incinérateur). D’autres parcs à Canton, Foshan et Qiuqiang sont des investissements encore peu rentables, mais pari sur l’avenir.
Il faudra 20 ans pour que se réalise à travers le pays cette intégration du riverain au cycle des déchets, approche « participative ». D’ici là, la Chine sera plus proche d’une économie « à bas carbone » où le bien-être général dépendra de la coopération entre Etat, collectivités et habitants. Mais pour son effort de discipline, le citoyen réclamera sa participation aux affaires de sa cité : c’est tout un style de gestion sociale, qui doit changer !
Cinq jours après Fukushima (11/03/2011), Wen Jiabao suspendait tout nouveau projet de réacteur nucléaire. Depuis, les 11 centrales existantes ont été testées.
À l’Assemblée Nationale populaire (ANP), Wang Binghua, patron de la SNPTC (une des deux corporations nucléaires du pays) disait que «14 soucis» étaient détectés, de niveau « 1 » ou « 2 », sur les sept de l’échelle internationale.
Tim Collier, vice-Président de Westinghouse-Chine (partenaire de la SNPTC dans la construction de 4 réacteurs AP1000 de 3ème génération) ajoute que les plans de Sécurité et de Développement moyen-long terme du secteur sont au stade de finalisation. Moyennant quoi, espèrent les industriels, le feu vert aux projets nouveaux pourrait redémarrer « en avril ».
Le plan initial visait «100GW» en 2020, et donc l’ajout chaque année d’un parc nucléaire de 2011 (11,3GW). Depuis lors, le nouvel objectif devrait reculer de « 30% max » – mais l’Etat va devoir confirmer.
Petit encouragement au secteur : Qian Zhiming, vice-directeur de l’ANE prépare le redémarrage des achats d’uranium, voire l’achat de mines au Canada. De 48.333 tonnes en 2009, ces imports avaient chuté des deux tiers en 2011, à 16.126tonnes.
À la session de l’ANP, l’Assemblée Nationale Populaire, s’est invité un thème que le régime n’aime guère – la peine de mort. Esquissant le débat, les élus ont reflété la montée d’un malaise de l’opinion vis à vis de cette pratique qui cause, selon l’ONG Dui Hua (USA), 4000 exécutions en 2011—plus que le reste du monde.
On plaide pour Wu Ying, banquière clandestine, condamnée au Zhejiang en 2009 pour avoir levé illégalement 118 millions de $ d’épargne. La confirmation en appel, (18/01), a causé des milliers de protestations sur l’internet chinois. Avant son arrestation, la financière de l’ombre avait réussi à rembourser la moitié des fonds, et avait ensuite coopéré avec la justice. Surtout, par sa «tolérance zéro», le système veut clairement tuer la banque grise, quoique celle-ci soit à peu près la seule source de crédit accessible aux PME, vu la quasi exclusivité accordée par les banques publiques aux grands groupes d’Etat, aux millionnaires et aux organes du Parti. Le vent tourne: à l’ANP, plusieurs édiles tel Zhuang Qichuan, PDG de Nice Group, ont demandé la grâce de Wu Ying – la Cour suprême, « avec prudence » (sic), rouvre le dossier.
La peine de mort réapparaît aussi, à propos de transplantations d’organes. Devant la CCPPC (06/03), Huang Jiefu, vice-min. de la Santé avoue que 2 ans après le vote de la loi des dons volontaires d’organes, la source n°1 des reins ou coeurs transplantés, reste la prison. Même ainsi, face aux 1,5million de patients en attente, seuls 1% y accèdent. Mais là encore, l’aveu cause le tollé sur la toile. Le ministère lance en mars un projet-test dans 163 hôpitaux, de dons d’organes sous l’égide de la Croix Rouge Chinoise. Mais on doute qu’il fasse l’affaire, vu l’impératif très fort en Chine, de passer dans l’autre monde avec un corps complet. Et le récent scandale de corruption de la Croix Rouge ne fait rien pour arranger les choses.
Sur la question centrale, Lang Sheng, officiel de l’ANP réitère (08/03) la promesse de l’Etat de limiter les exécutions et rappelle que depuis 2007, la Cour suprême doit confirmer toute peine capitale. En 2011, un amendement à la loi criminelle a réduit de 20% les crimes passibles du verdict. Et l’ANP a voté un dernier amendement qui oblige la Cour suprême de consulter la défense de tout condamné, afin de mieux évaluer la gravité du crime reproché.
Sur le fond par contre, le régime reste favorable à la peine de mort «pour longtemps encore», selon le terme de l’élu Fang Zhiyuan. Sous cet angle, le socialisme reste l’héritier de l’ancien régime, et de 4000 ans de loi du Tallion passée dans le proverbe 杀鸡骇猴 (shā jī hài hóu, « tuer le coq pour effrayer le singe »).
Et c’est là qu’intervient la césure croissante entre le régime et l’opinion publique, qui dérive insensiblement vers la vision humanitaire des démocraties, par exemple au nom des souffrances de la mise à mort, et du risque d’erreur judicaire. Une attitude qui dérange le cadre, car elle menace un de ses outils de pouvoir. Ainsi chaque semaine depuis 2006, «Interview avant exécution », l’émission-phare de TV-Henan montrait la vie d’un criminel durant ses dernières heures. Début 2012, elle était suivie par 40 millions de téléspectateurs. Il a suffi que la chaîne américaine PBS puis la BBC s’y intéressent pour que la haute Cour provinciale la fasse interdire ce mois-ci : trop sensible !
Cinq jours après Fukushima (11/03/2011), Wen Jiabao suspendait tout nouveau projet de réacteur nucléaire. Depuis, les 11 centrales existantes ont été testées.
À l’Assemblée Nationale populaire (ANP), Wang Binghua, patron de la SNPTC (une des 2 corpo nucléaires du pays) disait que «14 soucis» étaient détectés, de niveau « 1 » ou « 2 », sur les sept de l’échelle internationale.
Tim Collier, vice-Président de Westinghouse-Chine (partenaire de la SNPTC dans la construction de 4 réacteurs AP1000 de 3ème génération) ajoute que les plans de Sécurité et de Développement moyen-long terme du secteur sont au stade de finalisation. Moyennant quoi, espèrent les industriels, le feu vert aux projets nouveaux pourrait redémarrer « en avril ».
Le plan initial visait «100GW» en 2020, et donc l’ajout chaque année d’un parc nucléaire de 2011 (11,3GW). Depuis lors, le nouvel objectif devrait reculer de « 30% max » – mais l’Etat va devoir confirmer.
Petit encouragement au secteur : Qian Zhiming, vice-directeur de l’ANE prépare le redémarrage des achats d’uranium, voire l’achat de mines au Canada. De 48.333 tonnes en 2009, ces imports avaient chuté des deux tiers en 2011, à 16.126tonnes.
BAISSER DE RIDEAU – LES ECHOS DU PARLEMENT
Hukou—la réforme escargot
De grandes nouvelles sont à la porte, concernant le «hukou » permis de citoyenneté à deux vitesses, qui lie depuis 1958 le Chinois à son lieu de naissance.
Huang Ming, vice-ministre de la Sécurité publique annonce un règlement cette année, qui offrira aux migrants travailleurs un permis de résidence dans leur ville d’accueil, et un accès aux services sociaux. Accès «Minima», car le coût pour offrir l’école, la couverture sociale, l’accès au logement aux 250millions de migrants en ville (dont 206 sans permis) est évalué par le Conseil d’Etat à 2000milliards d’Euro. De ce fait, seuls 38% des migrants sont couverts contre les accidents du travail, 11% contre le chômage. Impossible pour les villes d’assumer seules cette charge, d’autant que la question est étroitement liée au droit du sol : pour boucler leur budget, les villes ont besoin de pouvoir exproprier les paysans et vendre leurs terres.
Mais cette population flottante, maltraitée et mal intégrée, est source de délinquance, voire de troubles sociaux. Comme dit le prof. Yang Tuan (CASS, Académie chinoise des Sciences Sociales), « vu notre niveau de développement déjà atteint, le maintien du hukou, héritage de l’économie d’Etat n’est plus justifiable ». Freinée par les lobbys municipaux, la réforme traine depuis 20 ans. Ce n’est qu’en 2012 que Zhejiang et Guangdong, qui pâtissent le plus de l’attrition de leur main d’oeuvre pas chère, ont lancé des plans-tests d’ouverture graduelle à ces services, jusqu’au permis de conduire.
On reste loin du compte : adressée aux villes début 2011, rendue publique en février, une notice du Conseil d’Etat précise que la réforme doit se faire « selon les moyens du bord », les plus grandes conservant leurs barrières.
Pour les lever au plus vite, reste à l’Etat et à ses villes, un fort incitatif : la création d’une citoyenneté économique unique, condition sine qua non à celle d’un grand marché intérieur, seule alternative à l’économie d’export.
La grogne du parlement
Le dernier jour au moment des votes de l’ANP, le pouvoir fut un rien surpris. Il s’attendait un peu à la contestation, mais pas à tel degré de virulence.
438 des 2872 élus rejetèrent le budget 2012 présenté par Wen et 90 repoussèrent son rapport du travail du gouvernement. C’étaient les votes les plus négatifs depuis cinq ans, exprimant les frustrations de la base, quant aux montagnes de dettes des pouvoirs locaux et au refus du pouvoir central de concéder des allègements fiscaux. Par contre, les rapports des Procureurs et Juge Suprêmes, d’ordinaire boucs émissaires des édiles, firent mieux que l’année passée.
Les élus à l’école
Les députés s’inquiètent de l’enfance à l’école, futur de la nation.
Devant la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois), Weng Guoxing s’inquiète d’une féminisation excessive de l’enseignement, des 1% d’instituteurs en maternelle, sans se rendre compte que la tendance est mondiale (les hommes se détournent de ce métier moins bien payé). Il préconise… de favoriser le recrutement des hommes en primaire et secondaire, pour «préserver la masculinité, et le quotient émotionnel» des petits gars.
À l’ANP, Yan Xijun angoisse sur les ravages de la fraude en université. D’après une enquête de 2010, un tiers des chercheurs des six meilleurs centres du pays se livraient au plagiat et à la fabrication de données. Afin de mettre le corps universitaire face à ses responsabilités, Yan réclame que la pratique, jusqu’à présent peu punie, soit reclassée en délit, passible de poursuites judiciaires.
Culture : « grand bond en avant »
En matière de culture, l’Etat veut créer d’ici 2015 un «pilier stratégique» avec 5% du PIB et 150milliards de US$ de chiffre. Des provinces comme le Shanxi s’engouffrent dans la brèche, investissent dans cette industrie de l’audiovisuel et du spectacle prétendant en avoir déjà produit en 2011, 6milliards de US$ de revenu, +32%.
Or, le concept rencontre de vives critiques à la CCPPC. Soutenu par Wang Jianlin (Wanda, n°1 de l’immobilier), l’écrivain Feng Jicai dénonce le «grand bond en avant» annoncé, qui conduira à des décennies de production massive de péplums Ming ou de soap operas, sans même garantie de rentabilité.
L’Etat commence à subventionner la fusion de méga-groupes. Un bon exemple est déjà là : la toute récente fusion (12/03) pour 1 milliard de US$, de Youku et Tudou, portails de vidéos en ligne. La raison n°1 semble être leur perte sèche (108M$ en 2011, cumulée), peut-être faute d’avoir atteint la taille suffisante. Bénéficiant de l’interdiction en Chine du leader mondial américain Youtube, le nouveau géant contrôlera plus du tiers du marché chinois.
En bonne tradition, le « briefing » du Premier ministre Wen Jiabao devant la presse (14/03, Grand Palais du Peuple) aurait dû durer 90 minutes et s’en tenir au bilan 2011-12, à l’état du pays, à ses rapports au monde. Au contraire, cela devint un fascinant discours de 3 heures, alliant sincérité et métier, émotion et effets de manche : le testament politique d’un leader tentant d’assurer sa place dans l’histoire.
Surdoué dans l’art de la survie, Wen Jiabao joue depuis toujours de ses deux facettes contradictoires, fidèle exécutant d’une «Realpolitik» conservatrice, et défenseur romantique d’une réforme introuvable. En mai 1989 sur la place Tiananmen, il était bras droit du 1er Secrétaire Zhao Ziyang, l’artisan de la politique d’ouverture de Deng. Limogé ensuite avec tous les libéraux de l’époque, Wen fit en 14 ans un come-back unique dans l’histoire chinoise, parvenant à réintégrer le club du pouvoir et remonter jusqu’au poste de patron du Conseil d’Etat en 2003.
La conférence-confession débuta sur un mélange de fierté et regrets, ces derniers pour des échecs (inflation, corruption, ou avoir mené une politique en désaccord avec ses idées ?) : « J’ai toujours ressenti que bien des tâches restaient en suspens. Pour tous ces problèmes économiques et sociaux advenus sous mon mandat, j’assume la responsabilité. D’aucuns apprécieront, d’autres critiqueront—l’histoire jugera ». Humilité vraie ou fausse, Wen assure ses successeurs de sa confiance dans leur capacité à faire « bien mieux que lui ».
Évoquant le programme de ses derniers mois aux affaires, Wen Jiabao déclare vouloir affranchir de certains problèmes la prochaine équipe de Xi Jinping.
D’ici l’été, il prétend publier un règlement de répartition plus équitable du PIB, un règlement de protection de la propriété foncière des paysans, de nouvelles mesures d’élimination de la pauvreté. Il promet aussi de réaliser l’antique promesse du régime, maintes fois réitérée et oubliée : porter l’enveloppe de l’éducation à 4% du budget public. Ailleurs, il prétend maintenir l’austérité sur le marché foncier dont les prix restent encore loin du raisonnable, ceci afin d’éviter le crash et le chaos. Il promet aussi, d’ici l’été, une fluctuation « bien plus ample » du yuan, dont le cours aurait désormais « plus ou moins atteint son équilibre » par rapport aux devises mondiales.
La dernière surprise de taille toucha à la Syrie. Jusqu’à présent Pékin, avec Moscou, bloque au Conseil de sécurité toute initiative pour protéger les populations des chars de B. el-Assad. Aussi, avancer comme Wen le fit, que « la Chine ne cherche à protéger aucun parti, pas même le gouvernement syrien», avait de quoi frapper. Il alla même plus loin, posant en point de vue officiel que « les tueries de civils doivent immédiatement cesser » et que Pékin respecte les aspirations « légitimes » du peuple syrien au changement. La demande en démocratie du «peuple arabe» devait être respectée, et Wen ne croyait « pas que cette demande puisse être étouffée par la force ».
C’était la 1ère fois que la Chine s’exprimait positivement sur la révolution arabe. Une telle position, si elle se maintient, peut rétablir coopération et confiance, sauvegarder l’image de la Chine dans le monde arabe. Il y a du chemin à faire, après l’inscription en lettres rouges par les insurgés de Homs sur les ruines de leur ville, du message « Thank You, China ».
EM : Ai Weiwei, voilà que s’ouvre Entrelacs, votre première exposition en France, au Jeu de Paume …
AWW : Grand merci à la France de me donner l’occasion de présenter cette rétrospective de mon oeuvre depuis les années ’80, à partir de 250.000 données en Chine, aux USA (de 1981-1993), créations artistiques, projets d’architecture, travail sur internet. Le tout, autour de la question : « Qui suis-je? ».
La France joue un rôle spécial dans ma culture. Dans les années ’30, mon père (Ai Qing, célèbre poète révolutionnaire, ndlr) avait vécu 3 ans à Paris et avait été fortement influencé par le courant d’idées progressistes qui y régnait. Ce qui, de retour au pays, l’avait inspiré. Et moi après lui.
EM : Que représente pour vous la France ?
AWW : Le pays de l’humanisme, de la liberté d’expression, de l’égalité, de la fraternité, de toutes ces valeurs universelles. Et dès le plus jeune âge (sourire), nous tous en Chine, avons en tête l’histoire de la Commune de Paris. Forte influence, en tant que berceau du socialisme…Aujourd’hui pourtant, ce rayonnement français ressort moins. Nous avons eu, il y a quelques temps, les années croisées franco-chinoises. La France s’y est fort exprimée via sa mode vestimentaire, ses parfums… Pardonnez-moi, mais c’était un peu mince, face au passé. Au demeurant, je reste fasciné par ce pays qui sait si bien vivre…
EM : Voulez-vous dire que des pays émergents, telle la Chine, s’expriment de plus en plus, et de vieilles démocraties comme la France, l’Europe de moins en moins ? La pompe s’inverse-t-elle en art, comme en industrie et en commerce ?
AWW : En matière d’art, la France a été très prégnante pour nos écoles. Est-il possible d’inverser le mouvement, et que la Chine aille influencer la France ? Je crois que c’est pour le moment hors de question. Depuis trop de temps, notre parole indépendante et notre imagination ont été opprimées. Notre nation en est restée profondément affaiblie. Par exemple, l’Allemagne et la Chine organisent à leur tour leurs années croisées. Or, en musique, la Chine va fournir le 京剧 (jīngjù), l’opéra ‘de Pékin’. Mais en Chine, personne ne regarde plus çà. C’est un produit «has been», spécial export, ‘bidon’. À vrai dire, la faute en revient aussi aux nations étrangères pour ne pas oser réclamer de vraie création, aux diplomates qui préfèrent gaspiller les deniers de leurs contribuables, sous prétexte d’échanges culturels, qui en fait n’ont pas lieu.
EM : Depuis vos débuts, vous traquez corruption et mauvaise gouvernance. Est-ce un des piliers de votre inspiration ?
AWW : Je suis un artiste qui vit en une ère de mutation. C’est un défi qui m’impose de me trouver aux avant-postes, pour montrer du doigt les problèmes. Nous savons tous que le vieux monde disparaît. Si nous hésitons à parler, à susciter le débat, c’est un manque de responsabilité !
EM : Pouvez-vous approfondir un peu plus le rôle de la provocation dans votre art ? Est-ce une technique psychologique d’éveil ou une réminiscence de l’éveil taoïste ?
AWW : Oui, selon le Tao, le monde est un tout où tous participent, pour représenter, améliorer l’univers. Mais ça ne marche que par les individualités – en agissant avec conscience globale. Sartre dit la même chose en affirmant que l’individu doit s’exprimer pour se faire le modèle de sa société.
EM : Mélanger des éléments hétérogènes dans vos créations- objets, photos, architecture – c’est un creuset de votre créativité. Comment faites-vous la sélection ? Le mixage ?
AWW : Je ne suis artiste, que quand je peux me renouveler. Ce n’est pas la sélection entre tel ou tel support et leur mix qui fait l’oeuvre, mais le chemin nouveau qui me recrée artiste. Conceptuellement, s’engager dans une voie inconnue qui n’a encore ni nom ni identité, qui est à risque, c’est ce qui fonde mon oeuvre. Ces collages que je fais, ne sont ni stratégie ni tactique, mais une contradiction qui fait mon être.
EM : Depuis un ou deux ans, le pouvoir définit l’art comme un pilier de l’économie. D’ici 2015, il prétend en tirer 5% du PIB ou 200 milliards de dollars, en produits culturels vendus en Chine et exportés comme des petits pains en France, en Allemagne, en Amérique… qu’en pensez-vous ?
AWW : Sans liberté, pas d’art. Sans individualité et expression personnelle, pas d’art. Jusqu’à hier, nous avions un riche patrimoine. Mais nos temples ont été détruits, notre savoir-faire artisanal, nos écoles traditionnelles idem… Pour recréer ce qui est perdu, il faudra 100 ans. Aujourd’hui, ils essaient de racheter les oeuvres parties à l’étranger, de monter de nouveaux musées, mais ca ne marche pas. Ils ont dépensé des milliards de dollars, ils réussissent dans bien des domaines, mais pas dans la culture.
EM : Quelle serait la bonne politique d’art en Chine ?
AWW : C’est simple, la politique ne doit pas se mêler d’art. Ils devraient lever la censure, seul « art » qu’ils maîtrisent.
EM : Et dans l’éducation, alors ?
AWW : Nos enfants se lèvent vers 5-6h du matin, et passent la journée à suivre les cours et bachoter jusqu’à minuit. Toute leur vie est consacrée à la préparation des examens. On ne cherche jamais à détecter, cultiver leurs qualités innées. Ainsi, ils deviennent des produits anonymes, sans passion, ni individualité. Mais alors, comment cette jeunesse chinoise pourra-t-elle soutenir la concurrence de celle des pays de l’Ouest, formée au jugement et à la raison ?
Ici, l’Etat doit desserrer en partie les contrôles, leur donner les moyens d’accéder au libre arbitre.
EM : Comment voyez-vous l’avenir, dans 10 ou 20 ans ?
AWW : Je crois en l’avenir de mon pays. On est maintenant au creux de la vague, on ne peut pas aller plus bas. J’ai confiance dans la jeunesse. Elle est notre avenir, lequel sera simple, et pas sophistiqué.
EM : Que pensez-vous de Weibo, le twitter chinois ?
AWW : Un outil nouveau et magnifique. Par nature, il est in-contrôlable, sauf à le fermer. Le Weibo va changer l’avenir !
EM : Votre père semble avoir exercé une forte influence sur vous, tout au long de votre vie. Pouvez-vous en parler ?
AWW : Mon père m’a marqué par sa créativité, mais aussi son sens de la justice et de l’équité. Il me disait toujours « qui dit la vérité, est plus puissant qu’un roi ». Cela m’a impressionné. Personne, que ce soit le pouvoir ou l’armée, ne peut me faire faire ce à quoi je ne crois pas. Je fais aujourd’hui tous ces efforts pour que, là où il est, il soit fier de moi.
Chaque génération s’efforce de laisser sa marque, pour que la suivante se souvienne, et ne se dise pas que ceux d’avant leur ont légué des problèmes à régler seuls.
***FIN***
* Extrait de l’Interview pour Polka Magazine (n°17), à l’occasion d’ «Entrelacs», 1ère exposition de l’artiste en France, musée du Jeu de Paume, 15/02-29/04
20-22 mars, Shanghai :
Solarcom- Laser, Salon de l’énergie photovoltaïque, Laser et Photonique23-25 Mars, Pékin : China Med, équipements et instruments médicaux
26-29 mars, Pékin : CHIC, Salon de l’habillement et accessoires
27-29 mars, Shanghai : R+T Asia, Salon des volets déroulants, portes, portails
27-29 mars, Shanghai : Forum de la construction durable,
27-29 mars, Shanghai : Salon de la construction, du revêtement du sol, du bois et de l’ameublement
27-29 mars, Shanghai : Salon du design des parcs, jardins et de l’aménagement urbain