Editorial : Le véritable combat de Hu Jintao

L’an 2012 commence sur une rumeur venant des plus hautes sphères : l’homme appelé à remplacer Wen Jiabao à la tête du Conseil d’Etat ne serait pas Li Keqiang, vice 1er secrétaire et vice 1er ministre, mais Wang Qishan (cf photo), chef d’orchestre de l’économie.

Si elle se vérifie, la nouvelle est de taille. Li Keqiang est le fils spirituel de l’actuel n°1 Hu Jintao. En 2007, faute de pouvoir l’adouber futur Président, Hu Jintao avait dû se contenter pour lui du poste de prochain 1er ministre. Si Wang coiffe Li au poteau d’arrivée, c’est un désaveu de plus pour Hu, signe de faiblesse face à ses opposants, le gang des petits princes de Xi Jinping ou Bo Xilai, ou encore du vieil mais toujours influent Jiang Zemin.

L’élévation supputée de Wang peut répondre à une logique de nécessité. A l’heure où la récession mondiale rejoint la Chine (cf p.2), il peut paraître plus efficace de placer à la barre Wang, un des acteurs du triomphe commercial chinois, que le pâle dauphin du Président. Au demeurant, ce coup s’inscrirait dans le contexte plus vaste du renouvellement du Comité Permanent, l’organe exécutif suprême -7 sièges sur 9 à pourvoir. Dans l’ombre, s’affrontent des personnages aussi en vue que Wang Yang et Bo Xilai, patrons du Guangdong et de Chongqing (cf p.3).

Ce n’est pas par hasard si Hu Jintao, ces jours-ci, fait feu de tout bois contre… le « péril occidental ». La revue théorique Qiushi publie son discours de novembre au ton militant et patriote. Hu y pourfend les «forces hostiles internationales», en train d’« infiltrer à long terme le pays, sur les terrains de l’idéologie et de la culture ».

NB: Hu Jintao semble prêter aux USA, à l’Europe et au Japon, paralysés pour 10 ans par l’obligation de se reforger ensemble un cadre durable (sociopolitique, financier, industriel…), plus d’énergie combative qu’ils n’en ont.

Hu adjure aussi les 80 millions de membres du Parti de « satisfaire les attentes des masses, dans le domaine culturel » : c’est celui qu’il semble avoir choisi depuis six mois, de pair avec sa « société harmonieuse », pour s’inviter au Panthéon socialiste aux côtés de Mao, Deng et Jiang. Au passage, Hu défend les « valeurs éthiques » de sa législature, contre l’occidentalisme et l’esprit mercantile, contre aussi la critique de Wen qui parlait en avril de « déclin moral », suite à un énième scandale alimentaire.

Loin de rester lettre morte, les slogans de Hu sont suivis de vigoureuses campagnes.

Au 01/01, à la TV, reality shows, concours de chant et meetings romantiques sont éradiqués (de 126 à 38). La pub intercalaire interdite (elle rapportait 27MM$ l’an passé). La justice frappe les dissidents—10 ans de prison à Chen Xi, 3 (de plus) à Gao Zhisheng, 9 à Chen Wei, et l’avocate Ni Yulan, qui vient d’obtenir le prix « Tulipe » (Pays-Bas), attend son lourd verdict. Enfin, une réforme du statut des étrangers promet à une partie d’entre eux (ceux dont Pékin veut) des « cartes vertes » avec visa jusqu’à 5 ans, mais à ceux en situation irrégulière, jusqu’à 60 jours de geôle ferme et 20 000¥ d’amende.

Le durcissement sert aussi à contenir un flot de critiques et scandales.

En alimentaire, Mengniu, n°1 du lait perd 25% en bourse (27/12) après la révélation de traces d’aflatoxine dans ses produits.

Sur le front du logement social dont l’Etat prétend bâtir 36 millions d’ici 2015, émergent des fraudes, malfaçons et mauvais prêts, résultant du choix de Pékin de se défausser du financement au niveau local (cf p2). Côté santé, le retour de la grippe aviaire, avec un mort (25/12) à Shenzhen ne fait rien pour rassurer les esprits.

Tout ceci éclaire le véritable combat de Hu Jintao : moins contre un étranger bouc émissaire, que pour assurer sa place dans l’histoire, et prévenir son isolement croissant face aux problèmes non résolus, par le recours au bon vieux remède autoritaire. Ce dernier ayant prouvé sa valeur dans au moins un domaine : sauvegarder une stabilité de surface jusqu’à la passation du pouvoir à Xi Jinping, dans 10 mois.

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