La visite de Xi Jinping aux USA (14-19/02) souligne 2 éclatantes différences :
[1] Celle de personnalités entre Xi Jinping et Wen Jiabao. Le 1er Ministre traita les Européens d’un discours affable mais peu substantiel ; Xi lui, très à l’aise, n’hésita pas à se positionner comme leader du pays, à partir d’octobre 2012.
[2] Celle entre priorités chinoises dans le monde. L’UE a été reçue poliment mais sans passion. Mais dès le 1er jour, avec les 19 coups de canons et la garde d’honneur au Capitole, Xi Jinping fut reçu en star et chef d’Etat. Il rendit à son hôte la politesse, en lui proposant un programme de travail et des priorités.
Elections obligent, Obama tint un discours connu et convenu : « je ne resterai pas les bras croisés face à un partenaire … ne jouant pas selon les règles ». Mais l’allusion à un yuan « manipulé » tombait un peu à plat, le RMB ayant gagné 12% en 20 mois, et 40% depuis 2005.
Xi Jinping lui, surprit son monde en défiant Obama de suivre son programme. Il offrait une concertation monétaire, une ouverture du marché intérieur, et une discipline commune, sur les marchés extérieurs, de subvention aux exports, du même type que celles de l’OCDE dont la Chine est absente. Il proposa aussi plus de coordination sur les points chauds du globe : Iran, Corée du Nord ou monde arabe.
Mais rien sans rien : en échange, il exigea une meilleure prise en compte des « intérêts primordiaux » chinois. Deux d’entre eux étaient nommés, Tibet et Taiwan. Implicitement, c’était la vieille demande de renoncer aux ventes d’armes à la Chine nationaliste et au soutien au Dalaï-lama. Mais au-delà, Xi murmurait que sous son règne, un dépoussiérage de la politique étrangère chinoise serait possible, dans ses principes comme dans ses alliances, et que les USA resteraient sa 1ère priorité. C’est presque un « G2 » qui était proposé, pas forcément rassurant pour les autres pays, surtout les riverains en Mer de Chine, 3ème « intérêt primordial » non cité mais implicite. Mais pour reprendre à Hu Jintao son dernier pouvoir, celui sur l’APL, l’armée populaire de libération, Xi Jinping devra faire le plein des voix au sein du haut commandement, et donc poursuivre et faire accepter par les USA, sa pénétration en Mer de Chine du Sud, au détriment de ses voisins !
Pour instaurer la confiance, Xi Jinping annonçait aussi une promotion en Chine de produits made in USA (électronique, machinerie), visant des ventes de 27MM$, pour contrebalancer le déficit américain record de 295milliards de US$ l’an passé.
Après Washington, suivaient l’étape sentimentale de Muscatine (Iowa) où Xi était passé en 1985, et Des Moines, la capitale : il y signait pour 6milliards de US$ d’achats de soja (12millions de tonnes). Achat de routine : dépendante en graines oléagineuses, la Chine emporte chaque année 60% de la récolte mondiale de soja.
Puis à Los Angeles, Xi confirmait sa passion pour le cinéma yankee, parrainant un studio shanghaïen de film d’animation 3D d’un investissement de 2milliards de US$, JV entre DWA («Shrek»), SMG (2nd diffuseur national de TV radio) et CMC (fonds d’invest « culturel »). Du jamais vu en Chine, un tabou brisé. Pour Hollywood, c’est la chance de pénétrer ce box-office de 2milliards de US$ en 2011 (+20%), et réduire ses coûts de production. Pour la Chine, c’est celle d’un saut qualitatif en audiovisuel. Et pour Xi, celle dont rêvent tous les leaders chinois depuis toujours : acquérir l’image de promoteur d’une vraie culture innovante.
Sommaire N° 6