L’insupportable pollution pékinoise déteint-elle sur les esprits ? Un halo sombre baigne les grands sujets de l’actualité : la « campagne culturelle », le Sommet de Durban où la Chine joue un rôle fort mais toujours pas (assez) positif (p3), le contentieux sino-américain sur l’industrie solaire (p2), et surtout l’affrontement entre USA et Chine, pour l’influence sur la zone Pacifique.
Depuis novembre, le pari du Président Obama de fédérer en deux alliances, commerciales et de défense, le pourtour du Pacifique, « Chine exclue », réveille à Pékin de vieux cauchemars d’encerclement. La Chine cherche par quel maillon faible briser le cercle, testant diverses stratégies, carotte et bâton. Washington agit exactement de même : chacun gardant ainsi deux fers au feu.
Lors des 12ème DCT, entretiens consultatifs de défense, du 8/12, Ma Xiaotian (vice chef d’état-major) somma M. Fournoy, sous-secrétaire à la Défense, de s’expliquer sur le projet d’installation d’une base américaineen Australie, à deux jets de pierre de « sa » Mer de Chine du Sud, ainsi que sur les livraisons d’armes en cours à Taïwan.
Ma avait aussi un message : tenter d’isoler la Chine ne permettrait en aucun cas la reprise de la croissance américaine (laquelle était inconcevable sans échanges avec la Chine). Obama risquait de causer un retour à la guerre froide et la fin de 20 ans de collaboration privilégiée. Pour une réélection, n’était-ce pas cher payer ?
Malgré tout, les deux pays poursuivaient la coopération, entamant l’équipement d’un port chinois (Yangshan, Shanghai) en détecteurs de radiation, contre le terrorisme. Et l’ambassadeur G. Locke offrait un visa de cinq ans aux résidents chinois aux USA, sous condition de réciprocité.
Ces mains tendues américaines étaient faibles, face à l’irritation chinoise. Dès le 14/11, l’APL, l’armée chinoise, se lançait dans deux semaines de manoeuvres au Xinjiang (14-27) entre troupes d’élite pakistanaises et 2ème corps d’artillerie chinois.
À cette occasion, un de ses officiers déclarait sur CCTV que « toute menace au Pakistan est une menace à la Chine ». Plus tard, le major Général Zhang Zhaozhong, professeur à l’université nationale de défense, usait de la même formule-choc pour l’Iran, que l’APL n’hésiterait pas à protéger, « dût-elle provoquer une 3
ème
Guerre mondiale».
Le plus fort venait du Président Hu Jintao en personne, qui prévenait sa marine (06/12) de se préparer au « combat militaire » (军事斗争, jūnshì dòuzhēng). Le terme se réfère davantage aux conditions guerrières » qu’au conflit lui-même, mais l’adresser à sa marine, à ce moment, sentait l’avertissement sans frais à l’US Navy.
Pendant ce temps, avec Inde et Japon, les USA préparaient une trilatérale à Washington (19/12), pour construire l’alliance pacifique en tant que « trois principales démocraties » de la zone. Les diplomates américains rappelaient qu’il n’y avait là aucune menace à la Chine – mais s’il n’y en avait pas, pourquoi le dire ?
Justement, face à ces voisins en train de prendre leurs distances, Pékin cherche là aussi la réaction juste, par tests successifs. Face à l’Inde, après avoir annulé, d’un commun accord, les négociations frontalières, Ma Xiaotian s’envolait (09/12) pour Delhi, tenir les plus hautes discussions militaires depuis deux ans. Face au vice-président philippin J. Binay qui souhaitait venir transmettre une lettre de son Président Aquino demandant la grâce d’un trafiquant de drogue condamné à mort, c’était un « non » sec et sans appel. La répression des stupéfiants est un thème de souveraineté nationale non négociable, et les rapports avec le petit voisin, trop mauvais…
En tout état de cause, sur tous ces sujets, l’impression est sombre, mais le dialogue est là – peut-être même plus fort que 3 mois en arrière. Certes, on peut deviner que cette année 2012 du Dragon sera tumultueuse mais dans cette crise de réorientation de l’avenir et de choix à faire, nul n’a le moindre intérêt au pire – rien n’est joué !
Sommaire N° 40