Editorial : Inde et Chine—Tempête à l’horizon

Voici bientôt 10 ans que Chine et Russie, qui ne s’aiment pourtant guère, ont épuré tout contentieux territorial.

Avec l’Inde, par contre, les choses vont moins bien : le 27/11, à 24h de se rencontrer, les deux pays reportaient leur 15ème session de délimitation frontalière, qui aurait dû traiter (entre autres) du cas des 90 000km² de l’Arunachal Pradesh, revendiqué par Pékin en tant que Sud-Tibet.

L’Inde avait proposé la date (28-29/11). Mais le hasard (?) avait fixé au même moment, en la même ville (Delhi) une conférence bouddhiste à 32 pays…dont le Dalaï-lama devait prononcer le discours de clôture. Pour Pékin, qui reproche de longue date à l’Inde d’immiscer le prélat dans leurs palabres territoriales, c’était désagréable. Il réclama donc un veto à la «tribune» offerteau Lama, ou le report du meeting. Mais qu’une puissance attende de Delhi qu’elle enfreigne son principe de séparation des religions et de l’Etat, n’était pas plus acceptable. Pour Pékin enfin, sa stratégie de refus de toute apparition du pontife lamaïste où que ce soit au monde, ne souffre pas d’exception. Moins encore depuis la série d’immolations de moines tibétains.  Aussi, il ne céda pas, même après les promesses de la Présidente Pratibha Patil et du 1er Ministre Manmohan Singh de ne pas assister au discours en litige. D’où l’abandon du meeting – au corps défendant des deux parties (coincées dans leur rôle)…

La nervosité chinoise a pu être exacerbée par un autre litige, en Mer de Chine du Sud. 

Le 12/10, le pétrolier indien ONGC Videsh signait avec PetroVietnam un contrat d’exploration au large des Spratley. La Chine, qui s’affirme toujours plus sur cette mer, protesta. Mais l’Inde tint bon, par la voix de son 1er min. au Sommet de Bali (18/11), et par celle du PDG d’ONGC (Indian Oil and Natural Gaz Corporation)   S. Vasudeva : « Cela fait 30 ans que nous exploitons le gaz de la région, depuis les blocs de LanTay et LanDo »… Le dépit de la Chine est fort : face à un tel « poids lourd », interdire les explorations deviendra plus hasardeux alors qu’elle ne se mesurait qu’aux Philippines ou au Vietnam. 

Autre contentieux, plus latent : la bataille pour l’influence sur l’Asie du Sud-Est – suite au déclin de la puissance commerciale et maritime américaine. Qui la remplacera, empochant du même coup son marché et ses voix à l’ONU ? 

Dans cette course, la Chine a débuté 10 ans plus tôt, mais semble aujourd’hui patiner, tandis que l’Inde progresse, même sur le terrain des pays en voie de développement alliés de la Chine depuis des décennies. Cette progression allant côte à côte avec une remontée des USA. En Birmanie (14/10) Thein Sein,chef de la junte, est reçu à Delhi, et le 30/11 reçoit H. Clinton pour une visite historique à Rangoon, éclipsant celle à Pékin d’un autre général birman (28/11) à qui   Xi Jinping, futur n°1, promet le renforcement des liens militaires.

Au Népal aussi, s’emballent les contacts avec Chine et Inde, qui l’enclavent au nord et au sud. B. Bhattarai, nouveau 1er ministre, consacrait sa 1ère visite en octobre à l’Inde. Wen Jiabao ira à Katmandou en décembre.

Le pays le plus chaleureusement acquis à la cause de la Chine est le Pakistan, qui lui doit deux réacteurs nucléaires et un soutien financier généreux. Les deux pays ont un besoin mutuel : celui de contenir le rival commun indien.

Conclusion : Chine-Inde veulent se rapprocher, mais ont du mal à trouver leurs marques pour y parvenir. Sachant pertinemment que leur « partage de l’Asie » et leur vocation de futurs leaders mondiaux passe par leur bonne entente, ils ont pris soin de se promettre, lors du report de la négociation frontalière,  de reprendre langue au plus tôt.

Mais tapis dans l’ombre, les démons veillent… Au sommet d’Honolulu (13/11), suite à l’offre américaine d’un « trilogue » avec l’Inde, Cui Tiankai, le vice-ministre des affaires étrangères, aurait répondu que l’Inde n’était pas une puissance au même niveau que Chine et USA un « dialogue » ferait donc amplement l’affaire. Charitablement colporté par un diplomate américain, ce dernier propos, véridique ou non, n’aidera pas à réchauffer les relations !

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