Si l’Etat serre la vis, l’économie tousse, et c’est normal. Depuis fin 2010, le frein est bien mis. Les banques voient leur marais du crédit asséché, et l’immobilier surgelé, causant en octobre une baisse des prix des logements neufs de 39% dans les 15 plus grandes villes , tandis qu’à travers le pays, le nombre de ventes reculait de 11,6%. Ce recul affecte l’économie entière : moins d’acier, moins de béton, et plus d’émeutes et de sabotages, par des propriétaires furieux de voir leur bien chuter en valeur, tandis que leur chèque mensuel à la banque lui, reste le même.
Comment vont les banques ? En octobre, la CBRC a simulé leur réaction en cas de chute des prix de 50%, et du nombre de ventes de 30% : riches en cash, elles résisteraient sans peine, conclut l’organe d’Etat. Même optimisme au Fonds monétaire international (FMI), qui les voit assez solides pour affronter des « chocs isolés ».
Mais c’est oublier, dit Barclays, que la plupart des prêts sont garantis par du foncier, terrain ou bâti. Si les constructeurs ne peuvent plus vendre leurs appartements, ni les villes leur terrain, tout perd en valeur — l’appart, le sol, et l’hypothèque. D’après la CBRC, depuis janvier, les 4 grandes banques ont perdu 71MM$ en valeur boursière, et le 15/11, elle leur ordonnait d’accélérer les ventes d’actifs faillis, et de restructurer ceux des 6000 bureaux financiers urbains en faillite. Pour autant, le 30/11, deux des grandes banques, Banque de Chine et China Construction Bank (CCB),voyaient leur cote rehaussée par S&P, et pour 2012, l’immobilier devrait quand même voir ses invests monter de 14% – signes de l’intrinsèque santé de cette finance chinoise !
Nouveau patron de la CBRC (China Banking Regulatory Commission), Shang Fulin,joue sur du velours pour prévenir des avalanches de faillites. Justement, alors que recule l’inflation, à 5,5% en octobre contre 6,5% en mai, la publication (30/11) de l’indice des commandes des entreprises émet un feu orange clignotant, avec 49,0 durant le mois contre 50,4 trente jours avant. C’était le 1er passage en dessous de « 50 » depuis 2009, et un signe de ralentissement. Puis, dès le 1/12, Pékin édictait une coupe de 0,5% des réserves bancaires obligatoires, qui injecteront sur le marché 55 à 63MM$ de crédit frais.
Ainsi, la Chine voit désormais son grand danger, non dans l’inflation, mais dans la rupture de croissance. Signe des temps : quoique non concerté avec l’Ouest, ce geste était simultané avec un refinancement de la Banque Centrale Européenne par les banques centrales du Japon et des USA. Et ce, dans le même but : éviter le tarissement des circuits financiers et ralentir les dépôts de bilan.
Cette semaine, suite à la conférence financière annuelle, d’autres mesures devraient suivre dans le même sens : peut-être l’allègement du fisc (+28% de taxes depuis janvier !), et des réserves bancaires (21,5% des actifs).
Le FMI avertit : le seul outil utile pour assainir l’économie chinoise serait la réforme du taux d’intérêt, pour permettre aux banques de se faire concurrence et pour ôter aux provinces le financement de leurs projets somptuaires et sans marché que l’actuel modèle économique favorise, éliminant au passage la finance grise et la source n°1 de la corruption.
Sommaire N° 39