Editorial : Chine-USA : un bras de fer… pour éviter le pire !

Barack Obama vient de jeter le gant à la Chine : curieux défi qui arrive en fin de mandat. Avant lui, bien des poids lourds de l’Ouest (B. Clinton, G.W.Bush, N. Sarkozy, A.  Merkel, D. Cameron…) s’y étaient risqués, mais à leur arrivée aux affaires, encore dans l’ivresse du succès.  De la part du Président des USA, c’est donc un geste lourd, longuement médité, qui selon un ambassadeur, a le potentiel de réinstaurer des années de guerre froide.

Soigneusement préparée, l’offensive  s’est déroulée en trois lieux et huit jours, à travers la zone Pacifique :

–           Au sommet de l’APEC (Coopération Economique de la zone Pacifique) à Honolulu (Hawaï), la présence de Hu Jintao n’empêche pas Obama de lancer les palabres pour un Partenariat Transpacifique (TPP), où les USA échangeront leur marché agricole contre l’accès aux services et aux marchés publics des pays émergents, sous un respect accru de la propriété intellectuelle. Or, de cette 1ère zone mondiale de libre échange, l’usine du monde serait exclue, le temps d’apprendre à « jouer selon les règles »: pour Pékin, telle exclusion est politiquement et commercialement invivable.

–          A Canberra (Australie), Obama inaugure un traité de défense et va ouvrir à Darwin en 2012 une base de 2500 Marines, à un jet de galet de la Mer de Chine du Sud revendiquée par Pékin. C’est le «choix stratégique» de revenir dans la zone, protéger la liberté de naviguer, avec des troupes libérées d’Irak et Afghanistan.

–          A Bali, au sommet EAS, (East Asia Summit) sans tenir compte de la mise en garde du 1er ministre chinois Wen Jiabao, un Obama applaudi, déclare vouloir régler en multilatérale le partage de cette mer convoitée.

Pour Pékin, marginalisé, le camouflet est grand. Pourtant, il pourrait avoir été planifié pour prévenir un dérapage pire encore. Car à travers cette double offensive, Obama vise divers buts, sur différents plans: [1] enrayer l’avancée en Mer de Chine d’une armée chinoise (APL) qui, depuis 10 ans, prend à la lettre une vieille revendication du KuoMinTang d’avant 1949, [2] se faire réélire en 2012 en un 2d mandat, et [3] éviter que le Congrès ne matérialise enfin son vieux fantasme d’une taxe aux exports de la Chine, pour la forcer à réévaluer son yuan, lequel monte certes (4% depuis janv.), mais pas assez vite. Aussi en temps de crise, une avancée des faucons Républicains et Démocrates (co-auteurs d’un projet de loi de taxe chinoise) est inévitable. Il sera accéléré par le XII. Plan chinois de relance des industries «high tech», rivales de celles des USA (cf p.2). 

Le vice 1er Wang Qishan avertit que son pays agira   selon ses intérêts: «une convalescence déséquilibrée vaut mieux qu’une récession partagée». Ainsi le déficit commercial étatsunien, à 30MM$ en oct., est parti pour rebattre cette année le record de 2010 (273MM$). Aussi, le bras de fer engagé par Obama entend servir de «barrière coupe-feu» à l’agressivité du Congrès, pour le dissuader de voter l’irréparable.

‘   Vu d’en-face cependant, de Chine, il aura d’autres conséquences : [1] Pékin voit revenir son vieux spectre de l’encerclement. Son inquiétude se devine à sa modération dans la presse : prudence, avant d’avoir défini sa propre attitude. Et l’on croit déjà voir, derrière les hauts murs de l’appareil, une recherche des responsables ayant déclenché tout ce souci. N’est-ce pas justement pour prévenir la critique, que l’APL se crée (22/11) un département de planification stratégique, destiné à faire « reprendre confiance » (sic) et à « améliorer la gestion stratégique » ?    [2] Les autres continents feront l’objet d’une cour accrue de la part de Pékin : subventions aux émergents, ouvertures aux Asiatiques, Africains, au Brésil, conciliation à l’Europe…

Enfin, le pire (qui serait, entre Chine et monde, une rupture de confiance) est-il nécessaire? J. Huntsman, ex-ambassadeur américain à Pékin, candidat à l’investiture républicaine n’y croit pas. La remontée du yuan est engagée, préfigurant  la fin du litige. De plus, les concessions chinoises à la 22ème Commission mixte sino-américaine (Chengdu-21/11, cf p.3), semblent dire que la Chine avait senti monter l’impatience des USA. Tardives, ces offres n’ont pu éviter le dévoilement de la bombe : elles pour-  raient au moins prévenir sa détonation.

 

 

 

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