L’immobilier est au coeur d’un maelström lancé par le pouvoir depuis 2010, fer de lance de la guerre à l’inflation et outil pour faire accepter aux défavorisés une croissance affaiblie.
Différentes méthodes sont appliquées dans le but de bâtir pour 2011, 10 millions de HLM. En juin, puis septembre, les ministères du Logement (Mohurd) et de la Supervision, écumaient les provinces pour vérifier le respect du plan, auquel les cadres—à 12 mois du grand bal des promotions quinquennales sous Xi Jinping—se gardaient bien de manquer. Dès août, 8,7 millions d’unités étaient construites, dans les temps pour atteindre l’objectif. En 2015, ils seraient 36 millions.
Pékin s’efforçait d’éliminer les obstacles financiers. Il s’agissait aussi de rouvrir aux provinces, un robinet du crédit sélectif. Le 20/10, le ministère des Finances autorise l’émission d’obligations à 4 provinces, destinées à la finition de chantiers d’infrastructures et au logis social (cf article dans ce même numéro).
Car le plan de redimensionnement de l’immobilier commence à agir : à Pékin, sur 3 trimestres, les ventes de logis classique ont réduit de 12%, à 6,32 M de m². En même temps, le HLM bondit de +120%, avec 1,98 M de m² (soit 31% du logis conventionnel). Dans l’intervalle, il se voit doté de normes de qualité et son accès est étendu aux migrants (dépourvus du hukou, certificat de citoyenneté pékinoise), soit 7 millions d’éligibles, en plus des 12,5 millions de Pékinois. Mais pour obtenir leur HLM, ils doivent avoir un emploi stable, un certificat de résidence temporaire et être à jour avec la sécurité sociale. Les Pékinois, eux, doivent justifier d’un logement de moins de 15m² par habitant et d’un revenu inférieur à 100 000 ¥ pour trois, par an.
Entretemps, on l’a dit, le logement classique est pénalisé par la raréfaction du crédit et la hausse du crédit hypothécaire. Au printemps, on a vu s’instaurer dans 40 grandes villes les restrictions aux développeurs (crédit) et aux acheteurs (un appartement par personne). En juillet, Wen Jiabao, le 1er ministre, étendait le système à des villes plus petites. Les patrons bâtisseurs se voyaient discrètement priés de prédire quels concurrents allaient baisser leurs prix. Les provinces où se poursuivraient les hausses, étaient averties de tracasseries. Résultat: des groupes en manque de cash cassent les prix. Surtout à Shanghai où des résidences à 17 000¥/m² sont bradées à 14 000 (-30/50% dans les banlieues). De Janvier à septembre, 13Mm² y ont été vendus, soit -13%. L’investissement monte toujours, mais seulement de 7,1%, loin des 20 à 30% des années passées. La même tendance se répète dans 59 villes, sur les 70 formant le baromètre du pays.
Enfin, cette descente forcée n’est pas sans risque. Le ralentissement du bâtiment entraîne celui de l’acier (-30% depuis le 5 septembre). Les manifestations se multiplient de petits propriétaires esclaves de leurs hypothèques, angoissés par la baisse de leur bien. Le marché, lui, fait une pause – attendant pour acheter. La Chine entière retient son souffle : au « chef d’orchestre » de bien tenir sa baguette, pour tuer les investissements fous et improductifs, tout en épargnant le reste de l’économie. Un pari qui fait prédire à W. Pesek, économiste à Bloomberg : « la crise en 2012 sera bien plus dure pour la Chine, que pour les Etats-Unis ».
Sommaire N° 35