L’originalité, en ce dernier scandale de qualité alimentaire, c’est qu’il a lieu chez Wal-Mart,groupe étranger. Le 10/10, 13 magasins étaient fermés pour 15 jours, à Chongqing, un des fiefs de ce n°1 mondial de la distribution qui subissait aussi une amende de 3,65 millions de ¥uan. Mais c’est surtout, en terme d’image, que Wal-Mart perd le plus. Avec deux employés arrêtés et 35 interrogés, sa fraude est avérée, la branche régionale du groupe ayant écoulé sous l’étiquette « bio » 60t de viande de porc ordinaire en 20 mois, pour 0,73 million de ¥ de profits illicites.
Le scandale local fit chuter la direction : le 17/10, tirant les conséquences, Ed Chan, PDG de Wal-Mart (Chine) et Clara Wong, DRH, se retirent « pour raisons personnelles ». Chan était pourtant le brillant capitaine de ce navire, qu’il avait fait passer en 4 ans de 70 à 353 enseignes, et de 30 000 employés, et près de 100 000. Avec 7,5 milliards de $ de chiffre en 2010, il est le 2nd groupe national d’hypermarchés derrière Sun Art Retail. On peut raisonnablement estimer que la direction n’était pour rien, dans cette indélicatesse qui éclabousse le groupe entier. On peut aussi la soupçonner d’imprudence, Wal-Mart-Chongqing ayant été épinglé pas moins de 21 fois depuis son ouverture en 2006 pour publicité mensongère, vente de viande périmée, ou non estampillée des services vétérinaires.
Un aspect du problème tient à la promotion de cadres locaux, pour économie salariale et pour accélérer l’intégration du groupe au pays. Cependant cette « sinisation » à l’excès du personnel, a pour effet de diluer la culture d’entreprise, surtout en régions excentrées. Un autre facteur est l’inflation très forte sur les prix alimentaires, qui favorise la tentation de fraude à la qualité.
Par exemple pour le porc, malgré les tentatives publiques pour freiner la valse des étiquettes, le cours a monté de 50% en 12 mois, et les services d’hygiène ne purent prévenir une affaire de porc au clenbutérol, molécule interdite en élevage, qui favorise la viande sur le gras. Pour ce délit, sept personnes écopaient en août de peines de prison. Ailleurs, après le terrible scandale en 2008 du lait à la mélamine (300.000 bébés atteints de calculs rénaux) ont suivi divers problèmes, comme les filières d’huile périmée de friterie, d’autres laits contaminés, des petits pains à l’aluminium. Enfin, un dernier élément dans la frappe contre Wal-Mart, peut avoir été… Bo Xilai, le Secrétaire local du Parti, toujours en course pour une place au prochain gouvernement et soucieux de se démarquer d’une vieille critique contre lui, d’être trop amical avec toute présence américaine.
Par ailleurs, cette surveillance des groupes étrangers au niveau du contrôle de qualité ne frappe pas que Wal-Mart, tant s’en faut. En 2008, Nestlé avait été accusé de dépassement du plafond en iodine dans son lait en poudre. En mai 2011, Unilever, n°2 mondial des produits du foyer, était taxé de 2 millions de ¥ pour annonce non autorisée de hausse de prix. En 2006, chez Carrefour, suite à un problème d’entente entre des filiales régionales et leurs fournisseurs, il y avait eu des arrestations mais la direction centrale n’avait eu aucun mal à démontrer sa bonne foi. Début 2011 enfin, Carrefour et Wal-Mart ont été rappelés à l’ordre pour défaut d’étiquetage et d’annonce de rabais.
Face aux commerces et industriels étrangers, la vigilance de l’Etat porte en filigrane un message clair : par rapport à la concurrence locale, sous l’angle du respect des lois et des règlements, il est attendu d’eux qu’ils soient irréprochables. « La femme de César doit être au dessus de tout soupçon » : telle est leur règle du jeu implicite !
Sommaire N° 34