Economie : Taobao : coup de torchon dans le B2C

Depuis 2003, selon l’institut Iresearch, Taobao, leader du commerce chinois en ligne (groupe Alibaba ) a empoché 33% du marché (B2C, de pro à particuliers) avec 40 millions de comptes clients, 50 000 comptes marchands et 70 000 marques. Sa formule était imparable, offrant la gratuité aux micro-vendeurs, taxant les autres de 6 000¥. Mais bientôt, dans cette fièvre dévorante et conquérante, apparaissaient les inévitables maux de jeunesse…

Dès 2009, des cadres trichaient avec 2300 vendeurs, leur offrant licences et labels de qualité, bien qu’ils facturent sans livrer. En février, ce dérapage avait contraint une centaine de ces cadres à démissionner.

C’est pourquoi dès juin, le PDG Jack Ma restructurait son groupe en trois branches : E-tao pour la recherche en ligne, Taobao Mall pour le B2C et Taobao Marketplace pour le C2C (commerce amateur). Puis le 10/10, il complétait ce plan d’assainissement : sur Mall, la licence est jusqu’à décuplée—de 30 000 et 60 000¥/an, dont le commerçant peut espérer récupérer 50 à 100% un an plus tard, selon son chiffre d’affaires et surtout l’indice de satisfaction du client (minimum 4,6 sur une échelle de 5). Mall chargera aussi, par types de commerce, 10 000 à 150 000¥ de caution, pour dédommager le client en cas de plainte légitime.

C’est un remède de choc, destiné à décourager amateurs (relégués dans « Marketplace ») et escrocs. Mais les PME y voient un mauvais coup, prétendant les évincer car de facto remplacées par les réseaux de distribution des grands groupes industriels, qui se sont activement concentrés ces dernières années. Aussi le 12/10, 40.000 petits vendeurs discutaient sur un forum et annonçaient une guérilla commerciale, lançant des vagues de commandes via Taobao, avant de les annuler, coûtant aux fournisseurs le prix du transport et la dégradation de leur indice de satisfaction. Le ministère du commerce s’est ému de l’histoire (15/10), appelant à ménager des PME à la situation déjà difficile.

Le 17/10, Taobao fit un geste, offrant neuf mois de délai de grâce aux vendeurs déjà enregistrés et bien notés, une réduction de moitié de la caution et un plan d’aides de 282 millions de $ pour consolider les meilleures PME dans la structure Mall—mais la bataille fait toujours rage.

Sur le long terme, le sursaut de vertu d’Alibaba peut viser une expansion vers l’étranger de ses ventes de produits chinois, mais aussi la concrétisation d’un rachat de Yahoo! (son actionnaire à 40%, en difficulté chronique) – impensable en l’absence d’une image de partenaire responsable et sérieux. Alibaba souhaite en tout cas doubler en 2012 le volume des transactions de Taobao Mall, à 200 milliards de ¥uan, en synergie avec les groupes industriels.

Enfin, en faisant « peau neuve », le groupe de Jack Ma prend des risques. Parmi la multitude de ses concurrents, le n°2, 360buy.com (partenaire de Wal-Mart, Groupon et DST, 12% du marché chinois B2C) prépare son entrée en Bourse de New York (NYSE) en 2012, pour 5 milliards de $, et pourrait attirer les petits marchands déçus de Taobao. Idem, Tencent, un des poids lourds de la toile chinoise, s’échauffe au bord de la cendrée : il lance sa propre plateforme, gratuite pour les petits commerçants (13/10) -c’est un appel du pied ! Avec dans sa poche, un atout des plus sérieux—ses 650 millions de comptes QQ. De quoi faire comprendre à Taobao que le temps du monopole touche à sa fin.

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