Le 6ème Plenum du XVII. Congrès s’est achevé (18/10) comme il avait débuté -sans fanfare.
À défaut de «décisions» (qui sont l’apanage du niveau suprême), l’objet de ces meetings du Comité Central est d’«orienter» l’action du pouvoir. Aussi, les membres ont proposé de renforcer le «soft power» chinois : la culture. Ils l’ont fait sans donner de détails, ne laissant filtrer que leur volonté d’améliorer la «sécurité culturelle» (sic), en obligeant les usagers des microblogsà quitter leurs pseudonymes pour se réinscrire sous leur vrai nom. L’appareil vit mal la liberté contagieuse de ce réseau «Weibo».
Mais la mesure sera difficile à appliquer, au risque de voir la plupart des 400 millions d’usagers fermer leurs comptes, ce qui tuerait dans l’oeuf un formidable outil social. La Chine y perdrait des millions de mini-CV par an, appels d’offres, commandes ou d’embauches négociées et décidées bien plus vite, à bien moindre prix que via les circuits de communication classiques.
Le reste du projet reste flou : l’élargissement des droits des groupes multimédias, le soutien au 7ème art et à l’apprentissage du chinois (en croissance et partout en tête à l’étranger), autant de chapitres probables du document-cadre, sont impubliés. De toute manière, s’applique ici le commentaire critique du prof. ZhuDake, de l’université Tongji (Shanghai) : « l’Etat ne peut construire que les industries culturelles. La culture se bâtit seule—dans un cadre de liberté et de marché ouvert ».
Au demeurant, il est improbable que les 365 édiles du “parlement” du Parti communiste chinois n’aient parlé que de belles lettres, oubliant les sujets majeurs du moment :
[1] A propos des préparatifs de la future équipe de Xi Jinping en 2012, d’aucuns décryptent au Quotidien du Peuple, la confirmation de Li Keqiang, comme prochain 1er ministre. Si cela est vrai, ce serait une victoire de Hu Jintao, actuel n°1 dont Li est le dauphin, et l’échec de Bo Xilai, chef de file des “petits princes” qui mène campagne depuis Chongqing pour un haut poste national l’an prochain.
[2] Concernant la crise, ce Plenum coïncide avec un taux de croissance de 9,1% au 3ème trimestre, contre 9,5 au 2ème : c’ est bon signe, pour l’atterrissage “soft ” recherché et le maintien d’une croissance durable. Idem, la baisse visible des prix de l’immobilier et des matières 1ères, suggère le succès de l’objectif de brider le moteur de la locomotive folle.
Mais d’autres signes sont moins bons :
[1] l’érosion vive de l’exportation, surtout vers l’Europe —Pékin envisage de se retrouver en déficit commercial d’ici décembre.
[2] l’explosion des mauvaises dettes, passées de « 1% » des prêts en juin (source officielle) à «8 à 12%» -source Crédit Suisse, qui prédit la perte de 40 à 60% des actifs des banques. Tout cela amène l’état à faire un choix amer : freiner l’appréciation du ¥uan, s’attirant ainsi une taxe de rétorsion américaine, déjà votée au Sénat, ou laisser s’étioler l’export, avec faillites multiples de PME, et nombreux groupes d’Etat à recapitaliser.
Trois jours avant le Plenum, la presse braquait son projecteur sur une autre explosion, dans le domaine de la
santé : celle du cancer, +56% en 10 ans pour les cas pulmonaires, +127% pour ceux du sein, le quintuplement à Shanghai en 20 ans pour celui du pancréas. 105 cancers par jour étaient détectés en 2010 à Pékin, à l’origine de 25% des décès. En cause, la pollution ( dont le tabac), le stress, une alimentation déséquilibrée ( y compris l’a l cool).Mais selon un expert, tout ceci pourrait traduire un progrès. Une part de l’aggravation vient du déplacement de pathologie – d’un recul des maladies infectieuses (signe distinctif du Tiers Monde) au profit de celles chroniques (prévalant dans les pays développé s ) . Ce qui en soit, reflète une amélioration du niveau de vie: à la suite de l’Europe ou des USA, la Chine mange trop (gras et sucré), et a oublié sa gymnastique « à la papa », des temps de Mao. La progression dramatique du cancer, reflète aussi des chiffres plus exacts, « réactualisés » par l’amélioration du dépistage et de la prévention.
Ainsi, ces deux sujets d’actualité – l’accès soudain à des richesses immatérielles (internet) et physiques (repas, tabac, alcool) – posent un problème central, « culturel » à la Chine, comme à tous les pays : l’éducation à la liberté.
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