Depuis quelques mois, les événements se bousculent au Xinjiang.
Fin juillet à Kashgar et Hotan, deux commandos-suicides frappaient des commissariats, causant 32 morts, des 10aines de blessés. De façon remarquable, ces attaques avaient été annoncées par des locaux à des touristes, 15 j plus tôt, comme un remake des attaques d’Urumqi qui avaient coûté près de 200 vies en 2009. Ce triste incident a eu son épilogue le 15/09, les juges des deux villes condamnant quatre assaillants à mort, pour terrorisme, incendie et meurtre.
Le même jour, la police admet que ces attaques n’ont eu aucun lien avec l’étranger. C’est nouveau. Jusqu’à l’été, Pékin croyait à une collusion avec une alliance islamiste de l’extérieur. De l’étranger d’ailleurs, un groupuscule, le PIT (Parti indépendantiste du Turkestan) revendiquait fin août la responsabilité des attentats. On peut sans doute voir en cette admission un progrès : l’effort pour mieux adhérer aux réalités du terrain.
A vrai dire, la gouvernance chinoise sur le Xinjiang ces derniers mois apparaît tiraillée entre deux tendances : le discours « vieux jeu » d’arrimage autoritaire du territoire à la République, et la recherche d’un rapport nouveau, ralliant et pacifiant l’ethnie ouïghoure.
Dans la 1ère tendance, entrent les peines capitales. Face à des agresseurs pris les armes à la main, Pékin n’avait guère de marge de manoeuvre pour accorder la clémence. Mais ces exécutions imminentes feront quatre héros de plus. Un autre signe de répression est l’interdiction sur tout le Xinjiang de suivre le Ramadan. Sous peine d’ennuis sérieux, les restaurants durent rester ouverts et fournir des mets inutiles faute de clients. Les étudiants furent accompagnés par les profs dans les réfectoires. La mesure visait à empêcher les réunions de nuit- rituelles durant ce carême islamique- qui auraient permis d’ourdir d’autres attentats. Cependant l’interdit fit plus de mal que de bien : l’irrespect de la loi religieuse put radicaliser modérés et hésitants.
Dans la 2ème tendance, l’Etat tente de dissiper la tension par des actions plus bénéfiques. Tel l’envoi, pour un an d’études, de 500 professeurs et instituteurs ouighours, suivis de 300 collègues Han, aux universités de l’intérieur (14/09). Comme au Tibet, cette stratégie d’enseignement bilingue vise à renforcer chez les enfants la langue locale (base de stabilité sociale), tout en leur apportant l’usage du mandarin, vecteur des métiers sur un marché du travail inévitablement sinophone.
Autre effort au Xinjiang, celui des consortia publics : durant le XII. Plan, la priorité est donnée aux énergies, surtout propres, et d’usage local. D’ici 2016 CPIC (un des 5 géants électriciens) placera 11MM$ dans le territoire, en diverses énergies. Guodian en investira 12,5MM$. Shenhua (charbon)mettra 21MM$, Baosteel (Shanghai) 6,5MM$ en sidérurgie et le pétrolier national CNPC 47MM$ (d’ici 2021). Au total, 31 Grandes entreprises d’Etat vont jusqu’à décupler leur présence, doublant en 5 ans leurs invests précédents, pour 155MM$.
Autre idée forte : faire du Xinjiang le poumon économique d’Asie Centrale, et une nouvelle porte de l’Europe. Le 01/09, le vice-1er Li Keqiang ouvrait à Urumqi le 1er salon China-Eurasia, version renforcée de l’ex-salon régional. En 5 jours, le résultat fut honorable, 130 MM$ de contrats, avec présence remarquée de la Turquie (20 groupes).
Tout ceci témoigne d’une ligne politique, au fond pas si nouvelle, misant sur l’intégration économique pour enrichir le Xinjiang -sans céder sur la demande des Ouighours en droits spécifiques qui tiennent compte de leur différence ethnique et de leur culture propre. Autrement dit, le problème est encore probablement là pour longtemps.
Sommaire N° 31