Au plan intérieur, la lutte contre l’inflation (4,6% en décembre et 11,7% au panier de la ménagère en novembre) primera en 2011 -un combat « à la médecine douce » chinoise, afin d’infléchir la croissance sans la briser.
Le crédit se fera (encore plus) rare: 10% de moins, avec un plafond de 7.500MM¥/an. Mais ce quota semble grossièrement ignoré par les banques comme par les firmes emprunteuses: du 1er au 15/01, dit Goldman Sachs, les prêts dépassent déjà 1.000MM¥. Le risque d’une spirale hors contrôle est assez réel pour faire monter au front le 1er ministre Wen Jiabao en personne, contre cette «anomalie». Par tous les moyens, la Banque centrale veut pénaliser les banques fraudeuses : par un taux de réserve des actifs plus élevé, par plus d’achats forcés de bons d’Etat. Mais dès le 14/01, elle remonte ce taux de réserve de 0,5% -pour la 7ème fois en 13 mois, pour éponger leurs liquidités.
Cette attrition du crédit a une exception: le paysan, à qui le pouvoir veut garder les moyens d’investir dans la productivité, moyen indirect de combattre l’inflation des prix agricoles.
Pékin se félicite que la hausse des prix de l’immobilier, (+6,4% en déc.) s’infléchisse depuis avril où ils culminaient à 12,8%. Elle n’en est pas moins inflationniste, aggravant l’écart riches /pauvres. Le pouvoir guerroie avec les provinces pour introduire la taxe immobilière, à Shanghai et Chongqing sans doute d’ici mars 2011, à 0,8%, prédit Nomura. Ce qui ne semble guère affecter le moral des promoteurs, qui plaçaient 557MM¥ en décembre. (+12% sur 12 mois) dans leurs chantiers. Tel Elite Real Estate qui, spéculant sur l’intégration de Tianjin et Pékin, se met à bâtir une ville de 4km².
Parmi d’autres secteurs à qui les temps sourient -encore, figurent la construction ferroviaire, soutenue par les chantiers publics, et qui se met à l’export. Le 19/01, CNR et CSR semblaient sur le point de boucler quatre contrats britanniques de 800M$, dont 40% au groupe Alliance, pour l’équipement du réseau Londres-Nord Angleterre d’ici 2013.
L’automobile sera frappée par la saturation prochaine des grandes villes, et l’introduction de quotas des plaques nouvelles. Mais l’industrie peut se rabattre sur le marché jusqu’alors négligé des petites villes. Voire à l’avenir, sur la voiture électrique, selon l’agence Accenture qui voit la Chine battre les Etats-Unis dans cette course à la voiture sans carburant.
Par contre, le cycle inflationniste commence à perturber sérieusement les industriels manufacturiers, contraints à la valse des salaires rien que pour suivre le coût de la vie. A la limite de la compétitivité, le Guangdong prévoit à l’issue des fêtes du Chunjie, la non-réouverture de 30% des usines aux capitaux Hongkongais. Canton a vu son salaire minimum passer de 860¥ à 1030¥ en mai 2010, puis à 1300 désormais—ailleurs, la hausse moyenne est de 18%.
Dans cette perspective, la question de la convertibilité et/ou hausse du ¥uan prend une toute autre perspective. Depuis décembre, justement, l’autorité monétaire centrale multiplie les petits pas en ce sens.
En décembre, le nombre d’opérateurs autorisés à commercer en yuan à l’étranger passait de 365 à 67.959. Le 12/01, l’échange du yuan au guichet était permis à l’étranger dans les banques agréées, à concurrence de 4000$/jour pour les particuliers, et sans limite pour les firmes. A Hong Kong, les dépôts en yuan montaient à 300MM¥ depuis le feu vert à l’ouverture des comptes dans cette devise : +376% en 2010. C’est encore très peu (4.8% des actifs en HK$, et 0,4% de ceux en ¥ en Chine). Mais la course est lancée entre Hong Kong et New York, pour la 1ère place boursière étrangère libellée en «monnaie du peuple». Les coulisses de la bourse de Hong Kong (HKSE) attendent avec impatience le lancement des 10MM d’actions Cheung Kong en ¥uan. D’autres font observer que l’intérêt bien compris de ces yuans étrangers, serait de les retourner directement à l’envoyeur en Chine, pour un meilleur rendement…
D’autres remarquent que ces futures valeurs boursières en yuan à Hong Kong n’ont pas de sens, ce placement étant déjà réalisable depuis des lustres, sous la forme des parts « H » et des Red chips…
Quoiqu’il en soit, Yi Gang, vice gouverneur de la Banque centrale et N°1 de la SAFE (Administration d’Etat des devises étrangères), prédit pour 2015, avec les réserves d’usage, le passage du ¥uan à la convertibilité complète. Dès maintenant Xiao Gang, Président de la Banque (commerciale) de Chine (BoC) milite pour la dérégulation complète du taux d’intérêt.
Tous ces mouvements sont nouveaux et frappent par leur audace. L’État en attend deux bénéfices : le recul de la pression à la réévaluation, et l’entrée progressive de ses milieux d’affaires dans les actifs stratégiques des pays d’Europe et d’Amérique, à une époque où ils sont vulnérables.
L’on assiste même, de la part de la Chine, aux préparatifs pour un flux monétaire dans l’autre sens : le « mini-QFII » (Qualified Foreign Institutional Investors) destiné aux petits investisseurs étrangers, d’un volume de 50MM¥ : c’est peu, mais cela pourrait servir à la fois de salve d’entrée et d’effet d’annonce, histoire de familiariser le monde avec le maniement de la devise chinoise, pour l’instant encore « terra incognita » !
Sommaire N° 3