L’événement n’est pas encore là, mais il se rapproche, sous la meule du temps diplomatique.
A Durban (Afrique du Sud, 28/11-9/12) à la CoP17, les nations négocieront le renouvellement du protocole de Kyoto contre le réchauffement climatique. Et les 4-6 juin 2012 à Rio (Brésil) se tiendra la conférence Rio-plus20 de développement durable, offrant un Fonds aux pays démunis pour faciliter leur mutation industrielle. Egalement, de nouvelles règles du jeu doivent leur permettre d’accéder aux technologies d’énergies nouvelles, de renforcer la «soutenabilité» des villes. Si tous les pays s’entendent sur les objectifs, ces deux grands axes de la future croissance semblent creuser une faille entre pays développés et PVD : une divergence de vision et de stratégie. Le 06/09 à Pékin, l’ambassadeur Correa do Lago, chef négociateur du Brésil, brossait sur le sujet un tableau tiers-mondiste sans illusion.
«Outil brillant» de décarbonisation économique mondiale, le protocole de Kyoto verra à Durban sa dernière chance de survie au-delà de 2012.
Les pays BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) accusent les Occidentaux de faire le forcing pour obtenir un nouveau contrat hors-sujet, «pas dans la logique de la négociation».
Il faut savoir que Kyoto impose aux pays riches -à eux seuls- des quotas contraignants d’émissions de CO², et à ceux qui les dépasse, un rachat de droits aux pays pauvres, dont ces derniers disposent en restreignant volontairement leurs émissions. Or les USA n’ont pas ratifié Kyoto (1ère distorsion), et pour le renouvellement, ils exigent que la Chine (passée depuis, 1 er pollueur mondial) et autres émergents reçoivent à leur tour des quotas, même symboliques. Mais les jeunes puissances industrielles jugent irrecevable une telle position, soutenue par l’Union Européenne, le Canada et le Japon. En outre, l’Ouest redonne, de plus en plus, la priorité à l’emploi sur l’environnement : en juin, Obama a même aboli la législation américaine sur les émissions de gaz à effet de serre…
L’Union Européenne de son côté s’est engagée dans la voie dangereuse d’imposer à tous transporteurs aériens dans ses airs des quotas d’émissions, très contestés par le reste du monde.
En somme, tous les ingrédients sont réunis pour un désastre à Durban, dont on voit mal comment la stratégie contre le changement climatique pourra se relever.
Tout n’est pas négatif, dit Correa. Même si chaque Etat ou région défend ses intérêts, des progrès «fantastiques» ont été engrangés en 20 ans. Le danger du réchauffement global est reconnu et accepté, et la science s’est invitée partout dans le débat, comme le prouve le cas des CFC (Chlorofluorocarbone) à 95% éradiqués par l’action mondiale. Le problème est que la lutte anti-effet de serre coûte beaucoup plus cher, prix que les politiciens n’osent pas demander à leurs électeurs.
Reste donc la tentation qui s’insinue aujourd’hui dans les chancelleries: remplacer la «mitigation» (à savoir la décarbonisation concertée de l’économie planétaire et la chasse au «gaspillage» de consommation) par l’«adaptation» au réchauffement, investissement typiquement national. Mais, prévient Correa, cette solution est illusoire : l’effet de serre n’a pas de frontières. Electoralement payant à court terme (car l’argent est dépensé « chez nous, pour nous »), ce budget de défense climatique sera toujours plus lourd et toujours plus inefficace. Au final, il débouchera quand même sur la mitigation -l’obligation pour tous de mettre tous leurs moyens de décarbonisation en commun, face au compte à rebours de la hausse de température.
Sommaire N° 29