Le 09/09 en Chine, marqua le 35ème anniversaire de la mort de Mao Zedong, père fondateur du régime dont l’ ombre plane encore partout sur le pays. Malgré ce poids écrasant, le jour fut fêté par un Parti faisant profil bas, comme soucieux de ne pas «remuer tout cela». Mais sur le fond, deux générations plus tard, que reste-t-il du personnage craint et adoré à la fois ? De son oeuvre ?
En bas des marches dans Dazhalan, coeur du vieux Pékin, le souterrain est malodorant, délité. Du réseau anti-nucléaire creusé à la pioche de ’69 à ’79, ne restent que des meubles pourris, une carcasse de vélo, de l’eau au sol… 300.000 habitants auraient pu y survivre quelques mois. Le Timonier croyait à une 3ème guerre mondiale sur son sol- qui n’arriva jamais, mais qui coûta à une génération 10 ans de ses WEnd… Le Pékin de surface lui aussi, a souffert du grand chambardement. Aux années ’80, l’architecture restait basse, cours carrées (cloisonnées et surpeuplée) immeubles à 4 ou 5 étages de brique. Quoique grouillantes de cyclistes en vestes Mao fatiguées, ses rues ne bruissaient que du chuintement des pneus. Fort contraste avec les artères vociférantes d’à présent, aux boutiques multicolores, à la débauche d’éclairage, aux tours à 15 ou 30 étages.
Sur le leader historique lui-même, les jeunes sont partagés : la plupart l’ignorent, comme toute chose politique. Mais certains en cultivent la nostalgie, comme d’une ère qui refusait injustice sociale et richesse, et où l’argent n’achetait pas tout. Ceux-là collectionnent les bibelots de la «Maolâtrie» d’hier : petits livres rouges, mugs en porcelaine ou en fonte émaillée, posters et badges.
Repensant à l’époque de leurs 20 ans, les vieux restent déchirés entre leurs souvenirs contradictoires. Ils renoncent à témoigner (hélas!), sur la violence dont ils furent tour à tour acteurs manipulés et victimes. Mais cela ne les empêche pas de se rassembler le soir dans les parcs, pour entonner les chants révolutionnaires et ressentir encore la ferveur de l’époque et son aspect «grandes vacances», avec un emploi pénard dans la « danwei » (unité de travail), bien loin de la frénésie stressée de l’an 2011.
Avec la danwei, ont disparu les bonbons gratuits du socialisme historique : le centre de vacances, le logis (3¥/mois), la ration mensuelle d’huile, d’oeufs, viande et farine, l’école et la santé frustes (grâce à l’instit, au médecin aux pieds nus). Seul le vélo reste, même plus présent qu’hier (à 1,5 voire 2/habitant), mais détrôné par la voiture.
La convivialité en sort bouleversée. 30 ans en arrière, on vivait en famille, avec les voisins- en prenant soin de tenir sa langue. Passé 18h, on était chez soi. A présent le soir, les jeunes sont dans le métro, les bars et karaokés jusqu’à tard – causant entre eux ou pendus à leur GSM. Avec les parents désormais, on n’a plus grand-chose à se dire. Autre monde.
Ce qui reste de plus fort du maoïsme, en est le moins visible : la censure, où se déversent des milliards de US$ en systèmes importés et en salaires de millions d’agents, pour préserver le monopole sur l’information et l’opinion. Avec ses 80M de membres plutôt jeunes et éduqués, le Parti garde son pouvoir de pression, tant sur les églises, l’école, le planning familial, que sur les rassemblements de pêcheurs à la ligne.
Avec des succès inégaux, Hu Jintao, peut-être le plus «maoïste» des leaders depuis 20 ans, a veillé tout au long de son règne à rééquilibrer les chances du monde rural face à la ville. Il a fermement arrimé l’armée au Parti en promouvant de jeunes officiers d’active des trois armées (terre, mer, air) : sur les 39 généraux promus par Hu Jintao, depuis 2004, 19 étaient des commissaires politiques. Indice que quelque part, l’héritage de Mao demeure vivace – le pouvoir reste « au bout du fusil » !
Sommaire N° 29