Economie : Inflation—la Chine, en train de percer sa bulle

Dans les années ’80-’90, rappelle l’économiste V. Shih, des politiciens tels Yao Yilin ou Zhu Rongji osaient couper le robinet du crédit quelques mois, laissant dans les provinces des centaines de chantiers en faillite. Ceci pour rappeler aux cadres locaux de ne pas négliger, dans leurs projets d’investissement, l’impératif de rentabilité, en ce pays à emprunt trop aisé (pour les provinces).

En 2011, la Chine se redécouvre une dette provinciale très lourde, fruit des 600 milliards de $ de stimulus anti-crise de 2008, chèque en blanc à des infrastructures souvent inutiles. En juin, l’audit national admettait 10,7 trillions ¥ (1656MM$) de dette locale, 27% du PIB de 2010. D’autres tels Moody ou Shih l’évaluent à 15-20 trillions ¥, 40 à 50% du PIB, empruntés par des agences provinciales, à 79% aux banques. À quoi doit s’ajouter la dette centrale d’environ 20%. Or, de cette dette opaque, la part perdue et non remboursable irait selon les sources, de 12 à 30%.

24% de cette dette régionale tombe à échéance cette année, et 17% en 2012. Déjà lourdement endettées, et devant affecter en 2012 jusqu’à 43% (selon les sources) de leurs recettes fiscales en service de la dette, en plus des 40% dus à l’État, certaines provinces risquent clairement le défaut de paiement. Sauf si, comme elles l’ont prévu dès l’origine, Pékin pris en otage, intervient (secrètement) pour éponger l’ardoise, afin d’éviter des mouvements sociaux insupportables et une perte d’image mondiale irrémédiable.

Aussi depuis des mois, le pouvoir central étudie anxieusement un plan d’urgence. Mais des pistes disponibles, aucune n’est joyeuse, vu le prix à payer, financier ou idéologique :

[1] privatiser les actifs des provinces dont la dette équivaut à peu près à son patrimoine -18 trillions ¥. Mais c’est ‘non‘: un Etat-Parti perdant son patrimoine, est impensable.

[2] permettre aux provinces de se financer non par emprunt, mais par obligations basées sur ces actifs. Mais les provinces devraient publier leurs comptes, et Pékin, leur consentir l’autonomie d’émission: concessions amères, pour les deux bords ! De plus, si ces obligations ne sont que le remixage de mauvaises dettes, la Chine mettra le doigt dans l’engrenage de subprimes… Malgré ces appréhensions, dès juin, Pékin permettait à travers les provinces une émission test de 2100 milliards de ¥, permettant de refinancer 10% de la dette provinciale. A ce jour, il est question d’aller jusqu’à 30%.

[3] recapitaliser en partie les provinces: option abandonnée, car la planche à billets nourrirait l’inflation, et donnerait aux cadres le mauvais signal de droit à l’irresponsabilité.

[4] couper le crédit, le «remède Zhu Rongji». Option extrême, désagréable à 13 mois du XVIII. Congrès. Mais le 29/08, Xinhua publie une directive «secrète» de la Banque centrale : les banques ont 3 mois pour lui transférer 140MM$ soit 11% des prêts prévu en 2011 : elles ont désormais 21,5% de fonds gelés, en provisions pour mauvaises dettes.

Entre-temps, cet été, les industriels ont réduit leur production, avec l’indice de commande de fournitures à 49,8 (la barre est à 50). Le commerce aussi régresse, tel l’alimentaire qui flambe bien plus que les 6,5% d’inflation de juillet. Et l’agence Fitch avertit d’une baisse probable de la cote mondiale de l’emprunt chinois, aujourd’hui à « AA- » : autant d’indices qu’il y avait urgence à réagir.

Pendant ce temps, l’Etat fait le dos rond. Pour Xi Jinping, «on va droit à un atterrissage doux», le rééquilibrage de la balance commerciale serait pour 2012. Matelassée de méthode Coué, la stratégie semble consister à faire le grand nettoyage sans le dire, en comptant sur la discipline socialiste pour que tous boivent le calice amer, en silence !

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