De la floraison d’articles et projets politiques dédiés cet été à la femme, «la moitié du ciel», peut-on tirer un tableau cohérent?
Difficile, vu la diversité contradictoire qui en émane. Au moins, la forte présence des filles, épouses et mères dans la presse chinoise confirme un souci : celui de n’avoir pas achevé la libération promise par Mao (l’auteur de cette célèbre formule)-dont Pékin s’apprête à fêter (09/09) un discret 35ème anniversaire de la mort !
Le régime rêve toujours de réduire les inégalités Homme/Femme, mais n’agit qu’à dose homéopathique. D’ici 2015, dans tout organe public (Parti communiste chinois, Parlement municipal), le XII. Plan réserve (12/08) au moins 30% des sièges aux femmes. Un modeste quota leur est aussi instauré chez les cadres de base: 10% des chefs de village, 40% des «travailleurs communautaires» (comités de quartier, planning familial). Puis, contre les discriminations professionnelles, l’allongement de la date de la retraite féminine est « envisagé » (aujourd’hui à 55 ans, contre 60 ans pour les hommes), et le business féminin est encouragé par le n° d’appel 928, proposant aux femmes-entrepreneurs des microcrédits pour le lancement de leurs affaires.
Autre action -moins sexy: le ministère de la Culture dresse une liste noire de 100 hits anglosaxons, la plupart chantés par des pop-stars étrangères, dont Lady Gaga(«Born this way») Beyoncé («Girls run the world») et Katy Perry(«Last Friday’s night», relatant le souvenir d’une nuit de romance à 3). Tous ces titres classés menace à la sécurité culturelle nationale, doivent disparaître des portails internet, d’ici le 15-/09, «sous peine de sanctions». Le tout suggérant que se creuse un fossé entre les ministères et la nouvelle génération—même si les jeunes cadres, hors du travail, se pressent d’aller écouter le sulfureux hit parade.
Autre sujet de l’été, phare, quoique dérangeant: la relecture de la loi du mariage par la Cour Suprême (09/08).
Le nombre des divorces explose en Chine : 2,68 millions de couples en 2010, +17% depuis janvier, dont 50% à moins de 35 ans. Le tiers des unions célébrées à Pékin, Shanghai, Canton finissent ainsi. Le souci de l’administration judiciaire, est d’écarter des tribunaux les montagnes de litiges émergeant lors du partage du patrimoine des couples naufragés.
Mais cette «interprétation» semble partisane: elle établit qu’en cas de divorce, l’auteur du 1er acompte pour l’appart, en reste propriétaire, ainsi que de la plus-value. Or c’est souvent l’homme qui lance cet investissement (question de salaire), ou ses parents qui le lui paient (question de tradition).
Ainsi, l’appartement d’un couple en divorce, a de bonnes chances de retourner à la famille du mâle. Pour Li Mingshun, prof. de droit à l’Université des femmes de Pékin, ce texte qui pense plus au bien des hommes qu’au droit des femmes, redéfinit de facto la famille comme une sorte de « boite » dont la finalité serait l’immobilier, et ignore son principe fondateur-l’affectif. Au risque, selon un sondage, d’accélérer les achats séparés d’appart avant le mariage, ainsi que la pratique du «mariage nu» (裸婚, luò hūn) où les conjoints notarisent leurs actifs avant de convoler —pour se protéger le jour de la (probable) séparation. A la défense de la Cour suprême, il faut dire qu’elle tente de lutter contre une perversion sociale inquiétante. Toujours plus, les plus jolies filles choisissent l’homme moins par amour que pour sa fortune, exigeant villa et haut salaire.
On est loin des « Quatre nécessités » pour se marier sous Mao (vélo, machine à coudre, montre et radio). Pékin compte même une « école » (德育女学馆, déyù nǚ xuéguǎn) à 2000¥ les 10 heures, enseignant comment détecter et harponner son millionnaire. D’où la remarque de Wang Zhiguo, consultant : «la plupart des belles, aujourd’hui tentent de vendre leur beauté: c’est malsain et l’Etat tente d’y mettre un terme». Par son encouragement de l’hyper matérialisme, le système n’est-il pas en train de récolter ce qu’il a semé, 20 ans en arrière?
Sommaire N° 28