A la loupe : Nouveau ciment du sable céleste : le Weibo, microblog

Né en août 2009, métissé de Twitter (réseau social d’info) et de Facebook (généraliste), le weibo (微博, « microblog ») est l’ultime mode sur la toile, accompagnant la mutation sociale en tous domaines — public, emploi, loisirs, tout en les intégrant, d’ailleurs : la vie entière en sera sans doute rebrassée, sans que l’on puisse prédire si le résultat sera meilleur ou pire !

« Internet est un don de Dieu » chante Yao Bo, bloggeur célèbre, «qui agrège les grains de sable que nous sommes, hier encore charriés par le vent du désert». Épique, la formule en dit long sur la fascination chinoise pour le micro blog, et sur la réactivité du régime qui loin de l’interdire, l’a promu, pour mieux le contrôler. Le 26/04, le Quotidien du Peuple sanctifiait le Weibo, comme « outil idéal pour consulter le peuple » -instrument d’un nouveau dialogue social. Bien sûr, sur les portails, tels Sina ou Tencent, toute question sensible (« dissidents », « jasmin ») est effacée !

La puissance novatrice du weibo tient à sa capacité de toucher des 10aines de millions de personnes à la seconde. Grâce à Liu Shuwei, professeur d’économie, le village enclavé de Nanjiushui (Hebei) vient de collecter 0,9M¥ pour achever sa route, en paiement de 15t de noix. Pour maintenir les commandes, ses habitants weibotent régulièrement des photos des progrès du chantier et de la récolte.

L’effet est contagieux. Les étudiants lancent des mini-CV de 140 signes – Sina en comptait déjà 17.000 au 20/05. Dans ce vivier, grâce aux mots-clés appropriés, les employeurs pêchent les profils dont ils ont besoin. Weibo ouvre aussi un dialogue malaisé, mais radicalement nouveau – entre l’État et les masses : le 24/06, suite aux orages sur Pékin, le standard des transports weibota les fermetures de lignes de métro ou de bus, permettant aux passagers de se dérouter à temps. Mais aussi, les bloggeurs postèrent 90.000 photos édifiantes de véhicules noyés, leur permettant d’épingler les évidentes carences des services publics.

Certains weibo’teurs manquent parfois de pratique. Xie Zhiqiang, chef de l’hygiène à Liyang (Jiangsu), vient de perdre son emploi et se ridiculiser en arrangeant avec son amante un RdV pimenté—croyant qu’il envoyait un mail, sans comprendre qu’il se trahissait à la Chine entière. Par contre en mai, Wang Gongquan, milliardaire, savait exactement ce qu’il faisait en weibotant à la cantonade l’abandon immédiat de sa légitime pour sa maîtresse.

Reste la découverte de l’usage politique des microblogs : le régime n’en est pas exactement enthousiaste. Car si 540.000 suiveurs ont participé au concours sur l’histoire du Parti (ce qui est peu), si 67 millions ont présenté au PCC leurs weibo-voeux de 90ème anniversaire (ses membres, pour la plupart, et obéissant aux consignes), ils sont plus de 100 candidats aux élections intermédiaires, non nommés par le Parti, qui drainent leurs voix de soutien par weibo. Tel Yao Bo, cité plus haut, aux 300.000 supporters. Leur démarche est légale, mais freinée des quatre fers par le Parti (harcèlement, arrestation provisoire, etc).

Pour autant, on découvre que sur ce dossier, la lourde machine n’est pas unie. Certains cadres verraient bien du sang neuf apporter un peu de concurrence. D’autres ont des soucis, quant à la légitimité constitutionnelle de cette répression… Manifestement sur cet épineux dossier, les 琴 «qin» (violons) de l’orchestre rouge, seront toujours plus difficiles à accorder !

 

Pub-weibo—une auberge espagnole sur la toile

 De nombreux comptes weibo naissent chaque jour.

Starbucks, McDonald’s, Adidas, L. Vuitton, L’Oréal, mais aussi des producteurs de thé ou encore des cabinets d’avocats, ont déjà leur propre weibo. L’enjeu étant de fidéliser des millions de « suiveurs », et d’en faire des clients.

Certains, VW par exemple, font appel aux PME expertes en services marketing sur microblog, qui bourgeonnent à tout va, sous la demande croissante des firmes.

Chaque bloggeur, par smartphone ou par ordinateur, suit les microblogs de son choix, découvrant ainsi produits, promotions, jeux… S’il a aimé, il fait suivre à d’autres. Ce qui assure aux marques un fichier de suiveurs, une image en temps réel des clients, permettant d’adapter le produit. Certaines marques sondent leurs visiteurs, tel Dove, les incitants à partager leurs conceptions de la beauté. D’autres créent l’événement, tel Nokia avec sa sortie en «live» du N8, son GSM dernier cri (08/2010) : 420.000 messages, et un décuple de commandes.

Le visiteur y trouve aussi son compte. Cessant d’«avaler» passivement la publicité, il l’inspire, elle le reflète et le valorise. Il peut aussi obtenir des petits cadeaux (pin’s, T-shirt, rabais). Émerge ainsi un paysage affectif, terreau de la meilleure des pubs, celle du type « fan-club ».

Moins coûteux que toute publicité Internet ou que l’achat de mots-clés, et plus alimentée et diffusée par le client que par l’annonceur (véritable «auberge espagnole»), le weibo offre, selon iResearch, le meilleur rapport qualité-prix sous l’angle de la précision, rapidité, interaction et influence. Pour les experts, un weibo d’un million de suiveurs pèse autant qu’un grand quotidien papier, et celui de 10M, vaut une chaîne de TV. Le microblog est glamour, pour faire oublier sa finalité marchande. Dans le weibo, le choc des photos est plus fort que le poids des mots. Pour sa propre image sur son microblog, portant la robe de telle marque, l’actrice Yao Chen (9 millions de suiveurs), se ferait payer 100.000¥ – le commentateur TV Kevin Tsai est aussi fort prisé (7 millions de suiveurs).

Les annonceurs apprennent à varier les effets de mode selon les heures, aux publics différents (pics à 10h et 22h), permettant un ciblage toujours plus précis de la clientèle.

Mais il n’y a pas de recette miracle. Le weibo ne marche que pour les groupes déjà établis. Et se créer une image-minute, peut inciter à la fraude, comme l’ouverture à la chaîne de comptes bidons pour fausser l’applaudimètre.

Pour weibo, quel avenir ?

Question pour l’instant vaine. Ce qui est sûr, c’est que le cycle de vie des réseaux sociaux sur Internet est étonnement bref : Facebook, ou leurs avatars chinois Renren, Kaixin, fatiguent déjà, et les blogs prennent même des rides. Les weibo ont peu de chance d’échapper à ce destin.

Pour l’instant, ils font saillir leurs biceps : la 1ère librairie weibo vient de sortir chez Sina – qui prépare aussi une version anglaise de son site, tandis que Tencent fignole sa traduction automatique. En somme, tout le weibo chinois rêve de conquête du monde— a priori handicapé, tout de même, par sa censure, inacceptable en Occident !

 

 

 

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