Xintang, Lichuan, Tianjin, Xilinhot…
Sans fin, la série d’émeutes et de bombes de l’été se poursuit, mal cachée par une censure sur les dents. La fermeté règne, mais d’une efficacité peu évidente. Il fallut 5 jours à 1000 agents spéciaux et à des 100aines de chars pour rétablir un semblant d’ordre dans Xintang (Canton) dévasté, aux voitures brûlées et offices détruits. Tout cela, suite à un incident mini-me au départ, mais mal géré, bavure d’agents municipaux sur un camelot et son épouse de 20 ans, enceinte.
A ce climat explosif, bien des ingrédients concourent : les chaleurs de l’été que les coupures de courant n’arrangent pas, la valse des prix des vivres, le taraudant soupçon sur la sûreté alimentaire… Mais surtout, la rue ne supporte plus les failles toujours plus claires dans la gouvernance sociale : l’envahissante corruption des cadres, l’arbitraire des chefs, la substitution de la médiation à la justice au nom de l’harmonie sociale.
Autant de problèmes anciens, bien connus mais sans solution, dénotant le déficit en réformes socio-politiques et la volonté arrêtée de conservatisme. Zheng Yongnian, de l’université de Singapour remarque que « tant de groupes sociaux en colère donnent le sentiment d’une tension entre pouvoir et peuple ». Sentiment confirmé par ce sociologue de l’université Tsinghua qui révèle une hausse fracassante des incidents de rues en Chine ces dernières années : 74.000 en 2004, 127.000 en 2008, 180.000 en 2010.
L’appareil est fort conscient du problème. Mais un de ses drames, est sa tradition, qu’il ne peut dépasser, de la gestion des problèmes via une perception individuelle du cadre, «seul maître à bord»: de moins en moins performante face à des situations sociales toujours plus complexes. Face aux émeutes de Xintang, le Secrétaire provincial lance sans état d’âme la police spéciale. Pour sa fermeté, à 18 mois du XVIII. Congrès, il peut espérer une promotion. La décision est logique dans une perspective de carrière -mais le Parti, et l’harmonie sociale auraient -peut-être- gagné à plus de souplesse.
Face à toutes ces dysfonctions, le désarroi du régime est tel, qu’on le voit recourir à des moyens inhabituels dans son histoire.
Les 7-9/06, sous l’égide du Département International du Parti communiste chinois, sept organes essentiels recevaient six universitaires étrangers en un « atelier international pour la construction du PCC ». Les Départements Internationaux de la Propagande, de l’Organisation, le Bureau de recherche politique, la Commission d’inspection de la discipline et le Centre de recherche sur l’Histoire du Parti souhaitaient leur présenter les progrès de la vieille machine, et solliciter leurs avis.
Les hôtes furent reçus avec ouverture et humilité, mais non sans a priori. Ces apparatchiks de très haut niveau se montrèrent collectivement convaincus d’avoir fait un sans faute économique et d’importants progrès dans la lutte contre la corruption, la formation des cadres et la mise en place d’une échelle méritocratique pour remplacer le sérail de l’aristocratie rouge. Aussi ne comprenaient-ils pas les critiques de « stagnation » ou de « réforme bloquée », et se demandaient sincèrement où leur raisonnement pêchait. «Au fond», dit Kerry Brown, un des hôtes étrangers, « ce qui les hante, est le passage de la pratique révolutionnaire, à un état de droit : en 90 ans de pouvoir, la question chez eux, n’a jamais été tranchée » !
Sommaire N° 23