Trois jours de la semaine (7-9/06), à travers tout le pays, vont marquer les destins de millions de lycéens : les jours du Gaokao, concours mandarinal d’entrée aux universités. Aux meilleures notes, les meilleures places.
La simplicité du système cache les années de privations pour les ados : révisions chaque nuit, cours optionnels, gym ou art, pour obtenir sa place aux meilleures écoles préparatoires. Sans compter le déficit de sommeil pour 80% des 250 millions de potaches, dont la plupart deviennent myopes avant l’heure, à force de lecture nocturne. Mais pour toute la famille, des parents aux grands-oncles, c’est le grand rendez-vous avec l’histoire, l’heure de vérité et la chance ou non d’ascension sociale.
Comme chaque année, autour des centres d’examens, on loue des semaines à l’avance des taxis, de préférence aux chiffres de baraka (en « -8 », homophone de fortune) et évitant ceux de guignon (sans « -4 », homophone de mort). Les parents prennent congés et nourrissent leur môme de plats à thème (poisson = mémoire, soupe de corne de daim ou d’holothurie = puissance mentale). Aux temples (confucéen, chrétien, bouddhiste), ils font une visite rarissime, brûlant un bâtonnet d’encens dans chacun, investissant partout, ratissant large.
Tendance récente: les profs, qui hier ne juraient que par le stress, l’estimant déclencheur du génie, le combattent désormais au nom du « naturel ». S’allonger dans l’herbe après des heures d’étude est encouragé, comme taper au ballon, faire des batailles de polochon ou des avions en papier… C’est révélateur d’une influence anglo-saxonne : l’équilibre, tous comptes faits, serait la meilleure chance.
Autre changement, depuis des ans, les facs s’arrachent les meilleurs éléments, offrant jusqu’à 100.000¥uan de bourse au «meilleur score». Heureusement aujourd’hui, le culte du «polard» perd un peu de son lustre, relayé par celui de l’esprit créatif et de celui d’équipe.
Symptomatiquement, le ministère n’a pas encore publié le nombre des candidats de la session 2011. Il est pourtant connu : 9,2 millions, 300.000 de moins qu’en 2010. Depuis le pic de 2008, à 10,5 millions, c’est la décrue. Tandis que le nombre des places offertes augmente : à 6,7 millions en 2010, étaient enrôlés alors 69% des candidats, 12% de plus qu’en 2006.
La baisse des effectifs reflète la démographie qui, planning familial oblige, franchit son pic à ce moment précis – la tranche des 20-24ans est déjà en régression.
Mais une autre raison supérieure joue aussi, la fuite des jeunes à l’étranger.
Ils étaient 230.000 en 2009 à partir étudier hors frontières, +24% en 2010 (un total de 1,27 millions). D’ici 2014, ils seront 600.000, toujours plus jeunes -au lycée, même. 1er pays d’accueil: les USA, suivis en N°4 du Royaume-Uni, N°6 du Canada, N°8 de la France, N°10 de la Russie.
La raison n°1 est inquiétante : la foi dans la supériorité de toute école étrangère sur la locale. Retournant au pays, la 海龟« tortue de mer » (haigui, diplômé de l’étranger) trouve mieux à travailler que le diplômé local qui, en 2008, restait à 30% sur le carreau, à 70% embauché à 1500¥/mois: un salaire très loin de ses espérances.
Ce « vote avec les pieds » de l’étudiant boudant la faculté chinoise, est le symptôme criant du déficit en compétence du système national: de son besoin d’autonomie, de désengagement du régime, pour le laisser jouer avec les universités étrangères à armes égales.
Sommaire N° 21