A 66 ans Zhang Guobao, dit le «parrain du vent» se retire. Depuis 2008 directeur de l’Agence Nationale de l’ Énergie juste créée, il avait assisté la naissance d’une puissante industrie éolienne partie de rien. Archétype du cadre socialiste chinois, Zhang était un volontariste et un patriote, adepte du gigantisme. Il n’en a pas moins mis son pays sur les rails des énergies renouvelables, déterminé à casser la dépendance du pays envers le charbon.
Dès 2008, Zhang lança un plan éolien d’une puissance inouïe dont, pour 2020, six fermes à vent de 10 Gw, «Trois Gorges éoliennes» -Hebei, Mongolie, Gansu, Xinjiang, Jiangsu (offshore). Dès 2008, avec 12 Gw installés, la Chine était n°4 mondial et en mars 2010, elle atteignait 22Gw. En 2008, Zhang programmait 70 réacteurs nucléaires d’1Gw, nombre ensuite porté à 114 pour couvrir 7% des besoins dès 2020.
Malgré ces moyens pourtant énormes, son programme se heurta vite à des obstacles -rançon de sa manière de faire systématiquement l’impasse sur les risques. Ainsi, bien des doutes accompagnent son projet de ligne à ultra-haute tension (UHV) Ouest-Est doté de 50MM² sous 5 ans. En outre, faute de cet outil, les éoliennes ne furent pas toutes raccordées. Mi-2009, 5Gw de fermes éoliennes tournaient ainsi à vide, au moins le tiers du parc, 5MM² d’investissements improductifs…
Tous ces «maux de croissance» inévitables, ont eu pour effet de grever les budgets pour l’avenir, réduisant la liberté pour le pays de faire d’autres choix énergétiques. Peut-être pire, elles ont lésé des groupes étrangers, causant un litige avec les Etats-Unis.
En même temps, Zhang se montra curieusement conservateur. Il bloqua la réforme de l’énergie, pourtant la raison d’être de son agence. Renonçant à imposer la séparation Distributeur/Producteur, règle d’or des pays développés, il favorisa la concentration autour du distributeur State Grid. Idem, quoique le nouveau cadre se dise ouvert à tous producteurs pour le rachat de l’électricité, Zhang favorisa quelques géants équipementiers semi-publics (Sinovel, Dongfang Electric) : sacrifiant l’émergence des micro-producteurs qui prospèrent ailleurs (UE, USA).
Arbitre de l’énergie, Zhang affronta des crises fortes : les «brown-outs» de l’automne 2010, les bras de fer des prix du charbon. Sur le fond, il n’essaya pas d’introduire une réelle concurrence et une réforme de la tarification. Ce qui se paie : gâté par des prix hyper subventionnés, l’usager de l’électricité n’est pas sensibilisé à l’urgence de l’économiser. L’échec est aussi dû au nombre excessif des décideurs en ce domaine, et à l’obligation pour Zhang de louvoyer entre consignes centrales et pression des lobbies.
Toutes ces tares ont pu jouer dans sa mise à la retraite, décidée au sommet le 24/12. A joué sans doute aussi la plainte américaine auprès de l’organisation mondiale du commerce (OMC) pour protectionnisme sur les éoliennes. Zhang est la «bête noire» des industriels étrangers : pour assurer la réconciliation avec Obama le 19/01, quel meilleur cadeau de Hu, que la tête de Zhang ?
Pour lui succéder, on attendait Liu Qi, l’ex-maire de Pékin, une des étoiles de l’économie chinoise. Surprise, c’est Liu Tienan qui apparaît, 56 ans, brillant coordinateur entre houillères et chaudières, ces deux ans passés…
NB : Mais pour reprendre le contrôle d’un secteur énergétique ayant pris depuis 20 ans le mors aux dents, il faudra plus qu’un bon administrateur: une discipline, et surtout l’accord de plusieurs princes rouges pour lâcher leurs privilèges -défi pour le prochain leadership de 2012.
Sommaire N° 2