Petit Peuple : Sichuan – Maoxian, l’amour sous les décombres – en souvenir du séisme du Sichuan, 12/05/08, 3ème anniversaire

A Chongqing, Chen Guozhen est pauvresse parmi les pauvres, marchande « sur le tapis » (baiditan) à même le sol, quitte à remballer sa calamiteuse camelote à la vitesse de l’éclair, à l’approche des argousins.

A 30 ans, elle souffrit l’abandon par un mari lui laissant 2 enfants et un vieillard à charge, son père adoptif. Ce qui en Chine, vaut une condamnation au célibat à vie, aucun homme n’allant reprendre une divorcée affligée de marmaille.

Pourtant la providence plaça sur son orbite Zhaxi, 37 ans, son rival en déveine, orphelin d’ethnie Qiang sans savoir-faire ni métier- le genre de gars dont nulle femme n’aurait voulu en temps ordinaire. Ils associèrent leurs misères, liaison de convenance et de soutien mutuel, plus que d’amour. Zhaxi l’aida dans son commerce, et partagea ses nuits.

En mai ’08, il fit un pas de plus : quittant leur gourbi, laissant les fillettes au papi, il l’emmena en escapade à Maoxian, sa ville natale. Tacitement, c’était pour la présenter aux âmes de ses parents défunts. Et c’est là, le 12/05 à 14h07, dans leur chambre au 3ème étage d’un hôtel borgne, que les surprit le grand séisme du Sichuan. Panique, chacun pour soi. Zhaxi sauta du palier du 1er tandis qu’elle descendait 4 à 4 l’escalier, pour aller le récupérer au rez-de-chaussée, la jambe proprement cassée.

Commença alors la scène héroïque et burlesque: ce petit bout de femme tout en nerfs se mit à porter cet échalas d’1m79 pesant le double d’elle (40kg). Soufflant comme un phoque, elle le porta sur 2km jusqu’à l’aire de repli. Tous les 100m, elle s’arrêta, ahana, mais jamais n’abandonna. Tandis que ce dadais pleurait à chaudes larmes, sous les élancements de la fracture et sous la découverte de la volonté de fer de son amie.

Le 13, avec 2 cousins à lui, en bus, à moto, comme elle put, elle l’amena à Chengdu : 130km en 3 jours. Puis à l’hôpital, elle resta un mois à ses côtés avant de le ramener à la maison…

Par suite, la relation gagna en tendresse et intimité, confirmant l’adage «c’est en l’adversité que naît le vrai amour » (患难见真情, huàn nàn jiàn zhēn qíng).

Quant il fallut retrouver du travail, la chance changea de personne. Avec la modeste prime octroyée par l’Etat, Zhaxi put se mettre à vendre une marchandise plus chère -moulins à poivre, moulins à prière, simples médicinales, le fameux poivre du Sichuan. De la sorte, il gagne 2000¥/mois. Tandis que Chen a dû abandonner son trafic, faute de profit: elle balaie et nettoie le parvis du grand magasin Shenli, amassant à grand peine 900 yuans…

Il faut savoir que Zhaxi, quoique bon et intègre, est bourru et peu porté aux effusions. Jamais un SMS (qu’il ne saurait d’ailleurs écrire, pas plus qu’elle le lire), ni un cadeau, à part ce ridicule père Noël à 5¥ dont il la gratifia en décembre: en bref, Zhaxi est aux antipodes de ce que l’on pourrait qualifier de romantique.

Tout ceci explique la réaction stupéfaite, teintée de félicité et d’angoisse qui assaillit le 14/02, Chen Guozhen (une Chen en vareuse fluo, son balai de sorgho au bout des bras), quand elle vit surgir de nulle part une masse de fleurs d’un rouge braillard, porté par Zhaxi qui d’ une voix de stentor (comme d’un être ayant longuement lutté pour vaincre sa timidité) lui fit sa demande lapidaire et définitive : « veux-tu m’épouser » ?

Les 518¥ qu’avaient coûté (après âpres palabres) les 99 roses, étaient une fortune: mais elle trouva sa rétribution immédiate dans le sourire extasié de Chen. A part son «oui» qu’elle chevrota plus qu’elle ne dit, le dernier mot de l’histoire re-vient à sa fille aînée de 13 ans, Xiaoqian, qui déclara quelques heures plus tard, découvrant toute l’affaire : «oncle Zhaxi (son appellation coutumière, qu’elle avait bien conscience d’utiliser pour l’ultime fois) est si ‘langman’ romantique !

 

 

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