A la loupe : Infatigables diplomates

L’hyperactivité de l’US-Army dans le monde arabe force la Chine dirigeante à un éventail de sentiments parfois discordants. Ainsi dans l’assassinat d’Oussama Ben Laden (02/05), l’Armée populaire de libération (APL) admire secrètement la maîtrise technique, mais note la perte d’un hélicoptère, et l’incapacité des commandos à sortir vivant le maître d’Al Qaeda.

La diplomatie chinoise elle, salue «une avancée majeure dans l’action internationale antiterroriste» mais pour préciser dans la foulée que «cela ne réglera pas tout». Elle veut aussi laver le Pakistan du soupçon de double jeu, d’avoir caché la présence de Ben Laden, à Abbottabad, nord d’Islamabad.

Ces remarques reflètent l’agacement de Pékin face aux agissements américains dans une zone où elle a des intérêts, et où elle redoute un surcroît de déstabilisation. La dualité contradictoire des diplomates reflète assez celle de la presse et de la toile chinoises. Un internaute voit en Ben Laden un «ennemi» dont il remercie les USA d’avoir débarrassé la Chine. Mais d’autres pleurent la perte d’un « autre héros anti-américain », ou d’« un de ces rares soldats idéalistes et spirituels sur Terre »…

La peur d’un Ouest-éléphant dans le magasin de porcelaine arabe s’exprime tout net face à la Libye. Loin de réclamer, comme le fait la Turquie, le départ du dictateur M. Kadhafi, Pékin dénonce (après la mort d’un de ses fils et de 3 de ses petits- fils) des frappes aériennes de l’Otan «non autorisées par le Conseil de Sécurité», et réclame un «retour à la paix par le dialogue et la négociation» -c’est-à-dire un indéfendable maintien de Kadhafi en place.

Face à l’Egypte, Pékin doit se livrer au grand écart rhétorique. Avoir mandé au Caire 2 ministres en 6 jours prouve l’importance extrême de la région pour la Chine. Fu Ziying, n°2 du commerce (27/04, qui se rendait aussi en Tunisie et dans 4 autres pays d’Afrique), puis Yang Jiechi, le ministre des affaires étrangères, (02/05, aussi en visite aux émirats, en Suisse, Serbie et Russie), respectent « la volonté et les choix du peuple égyptien». Ce qui n’empêche Yang de rencontrer le lendemain H. Tantawi, maître de l’armée, voire du pays, pour soutenir le retour à la «stabilité» et aux affaires…

Wen Jiabao poursuivait une offensive de charme en Indonésie (27/04), puis en Malaisie, offrant 3MM$ à Kuala Lumpur sur 14 contrats et surtout 20MM$ à Jakarta (10 en contrats, 9 en projets d’infrastructures et 1MM$ en un Fonds commun maritime). Ce dernier chèque, quoique lourd, pesait peu face à l’effort promis à Jakarta par le Japon, 50MM$ : nouvelle stratégie de Tokyo, qui vise à réduire la dépendance des deux pays envers la Chine, et à s’allier face au déploiement chinois en mer de Chine…

Face à l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est), Wen venait «recréer l’harmonie» après la tension maritime de 2010. Le partage de cette mer, véritable Méditerranée d’Asie, devrait se faire «par le dialogue» – mais bilatéral, et non multilatéral selon le voeu des riverains et des Etats-Unis qui ont promis de parrainer ces palabres. Ainsi, la solution apparaît plus lointaine que jamais.

D’autant que l’APL promet au même moment d’adjoindre à sa «force de surveillance» d’une mer qu’elle prétend sienne, 36 navires en cinq ans (dont son 1er porte-avions), 1000 officiers, 10.000 marins. Comme pour rappeler que ses objectifs ne coïncident pas forcément avec ceux du pouvoir civil, et ceux des diplomates—défendant pourtant le même pays qu’eux.

 

 

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