Editorial : Fruits de saison

En pleine campagne conservatrice, quand le régime réitère jour après jour sa volonté de maintenir le cap suivi depuis 2003, le 1er Ministre Wen Jiabao lance une note très personnelle en réitérant (pour la 8e fois depuis août) son exigence de réforme politique. En 8 jours, il le fait à 2 reprises, chacune devant un auditoire semi-étranger.

à Pékin, face à Ng Hongmun, politicien Hongkongais, à Kuala Lumpur face à des compatriotes, il dénonce des « traces de révolution culturelle… de féodalisme… décourageant les gens de parler vrai ». En même temps, dans un édito qui lui ressemble (28/05), le Quotidien du Peuple citant Voltaire appelle à la liberté d’expression et à la tolérance. On s’en doute, Wen n’est pas vraiment écouté: aux différentes mouvances du spectre politique, on le laisse parler, comme on pardonnerait ses lubies à un digne ancien -d’autres voient dans son homélie démocratique, le chant du cygne d’un leader anxieux de se réconcilier avec l’histoire, quitte à griffer (ô, bien légèrement) la discipline de Parti. Mais il faut lui reconnaître de la suite dans les idées. Le 29 mai 1989 à Pékin, il était place Tian an men avec Zhao Ziyang son patron, à adjurer (en vain) les étudiants de retourner chez eux. Par quel génie ensuite, lors de la purge qui suivit, sut-il retourner au pouvoir après avoir convaincu les conservateurs de sa fidélité ? Et sut-il en permanence jongler entre son allégeance et ses idées. En cela, en tout cas, ce personnage original tranche sur la grisaille de l’échiquier politique chinois, plus prévisible et compassé.

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L’été qui arrive rappelle au pays la puissance du réchauffement global. Au sud, 160.000ha de champs jaunissent. Au second trimestre, South Power Grid, distributeur d’électricité prédit 6,2Gw de déficit – jusqu’à 17% de la demande de centaines de millions de gens, de dizaines de milliers de PME. Déficit aussi dû aux arrêts de centrales préférant limiter les pertes, faute de pouvoir répercuter la hausse du coût du charbon.

Pour résoudre la contradiction de mines de charbon au Centre-Ouest et de leurs marchés à la côte, State Power Grid a lancé, dès 2005, son audacieux plan de super haute tension courant alternatif (UHVAC), investissant 5MM¥ dans la ligne-test Shanxi-Hubei. En cas de succès, un réseau complet devait suivre d’ici 2015, à 500MM¥. Hélas, à ce jour, elle n’a convoyé au maximum que 2,83MKw, durant 2 secondes (en janvier 2009) : échec colossal, dénoncé récemment par 23 experts, mais réfuté par State Grid, qui a les moyens de couvrir de sa voix celles de ses détracteurs… On apprend alors que Russie, Japon, Italie et USA, les pays ayant tâté de cette technique de pointe, ont tous connu les mêmes déboires.

Ce courage entrepreneurial, cette foi en des techniques de pointe non validées, se retrouve dans la multiplication des projets de désalinisation de l’eau en mer de Bohai. Tianjin Beijiang Power Plant, dessale 100.000m3/j—l’usine ayant coûté 26MMY (si-si!). Dès décembre, sa capacité sera doublée. Beijing Caofeidian monte sa propre usine, et l’administration océanique nationale prévoit que les 600.000m3 d’eau dessalée produite par jour en Chine, seront quintuplées d’ici 2020. Même si cette manne revient à 8.15¥/t (soit le double du prix de vente), et même si l’on ignore les effets à long terme de ces rejets de saumure en mer.

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Voici au moins une mesure qui va vers l’économie durable. La NDRC (National Development and Reform Commission) sort (26/04) un «pavé» de 111 pages de types industries à fermer, restreindre ou encourager. Une étape de plus dans un processus à long terme.

A fermer, sont les petites raffineries (40.000B/j), mines de houille (30.000t/an) et centrales thermiques (100Mw) ; à restreindre, les mines (métaux, terres rares) ; à encourager, le nucléaire, les grosses mines de charbon ou d’or à +de 1000m de fond et le forage off-shore de+120m.

Les heureux élus, Chinois ou étrangers, se verront attribuer des licences, prêts préférentiels et taxes allégées. Mais à cet aiguillage de l’économie manquent encore des éléments-clés, telles que subventions et mesures de soutien : on n’est pas encore dans le changement du modèle de croissance, qui est le but ultime du gouvernement !

 

 

 

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