Juste avant les fêtes du 1er mai, l’État publie le recensement de 2010, par six millions d’enquêteurs auprès des 400 millions de foyers de l’Empire. Il a ses raisons de rester discret, car ces chiffres dressent un bilan de son planning familial, de plus en plus contesté, mais qu’il n’est aujourd’hui pas prêt à sacrifier—quoique les «30 ans» de vie que le Parti lui allouait à sa naissance en 1979, soient aujourd’hui révolus.
Le régime est fier d’avoir contenu la croissance nette à 74 millions en 10 ans, pour un total de 1,34milliard, et d’avoir épargné 400millions de bébés ou total. Mais la fécondité est en chute libre à 0,57%/an, moitié du chiffre de 2000 et, croient les démographes, 1,5 à 1,6 enfants par femme, depuis 20 ans en deçà des 2,1 du taux de renouvellement. Et cela choquera plus d’un Chinois de voir l’Inde (1,2MM) dépasser son pays sous 10 ans. Ce déficit impose désormais à l’Etat, heureusement nanti de 3000MM$ de réserves en devises, une marche forcée vers un régime de retraite complet et solvable. Ceci, pour éviter la grave mésaventure de devenir «vieux, avant que d’être riche».
Selon le recensement les sexagénaires sont 13,3% contre 10,4% en 2000. Les jeunes de -14 ans sont 16,6%, contre 22,9% hier. J. Walker (Asianomics) voit dès 2015 le recul de la population active, déjà présent chez les 20-24 ans. Idem, à 49,7%, les villes font la moitié de la population, après avoir absorbé 13,6% en 10 ans : avancée bien trop rapide, qui n’a pas permis de bâtir assez d’hôpitaux, écoles, transports etc. Depuis, les migrants ont augmenté de 81%, à 261millions, et si rien ne change d’ici 20 ans, ils seront 350millions : source d’instabilité et de rancoeur envers leur société qui les aura maintenu dans un statut de citadins de 2de zone .
De même, la migration s’est poursuivie de Chine «jaune» de l’intérieur, vers celle «bleue», plus riche de la côte qui passe de 35,6% à 38% : la barrière administrative du hukou n’a fait que freiner, et non stopper le déferlement.
Dans les campagnes, un résultat du planning a été l’avortement sélectif massif : la Chine de 2010 engendre 118 mâles pour 100 filles, donc 34 millions de fils immariables. Dans 20 ans, ces célibataires forcés -dites «branches sèches», seront 15%, entraînant avec eux une explosion prévisible de la prostitution et de la délinquance.
Les étrangers ne sont que 593.000 – goutte d’eau dans cet océan de 23% de l’humanité. Ce qui révèle le souci constant de ce régime autoritaire, de prévenir la «pollution» démocratique de l’extérieur. Sans vouloir admettre que ce choix (contradictoire avec son principe de politique d’ouverture), prive sa société de tout un capital d’Investissement Direct Etranger, d’emplois, d’ONG etc. dont bénéficient d’autres pays d’Asie.
Un fait positif : depuis 2000, le pays s’est éduqué, faisant plus que doubler le taux d’universitaires, à 8,9%.
On voit donc poindre à l’horizon la fin des bénéfices d’une natalité bridée : hausse des salaires et de l’inflation, baisse du PIB sont les suites d’un déficit en main d’oeuvre. Face à cela, l’État se montre divisé. Les experts poussent à l’abandon du planning malthusien. Mais le leadership veut pour 15 ans au moins «maintenir et améliorer le planning, conserver un bas taux de natalité» (Hu Jintao, 26/04). Une rigidité qui reflète le lobby du contrôle des naissances, 5 millions de cadres, en comptant les intérimaires, qui vivent des amendes prélevées sur les parents trop prolifiques.
C’est ainsi qu’en fin de compte, le régime défend moins une basse natalité qu’un style autoritaire de pouvoir, et les privilèges d’une caste. Il est vrai que l’équipe actuelle quitte le pouvoir dans 18 mois, en octobre 2012 : la suite n’est plus son problème !
Sommaire N° 17