Sur la guerre civile libyenne, Pékin occulte subtilement son profond agacement envers Kadhafi et prend parti pour lui : par crainte des tendances libertaires qui secouent le monde arabe, voire dans l’espoir que le dictateur gagne et remette en selle les 50 grands projets chinois sur son sol.
Mais ce parti pris vient de connaître un solide bémol, exprimé sur l’internet par E. Shahrour, chef du bureau pékinois de la chaîne Al Jazeera, en un coup de gueule en mandarin, que la censure n’a pas coupé. Sous le titre accrocheur de «100.000 questions du peuple arabe aux media chinois», le correspondant exprime sa frustration face à une couverture dans la presse continentale, «traduction simultanée de la TV kadhafiste». Le résultat dépasse toutes les attentes. En 72heures, 150.000 lecteurs sont passés par son blog, 10.000 l’ont cité ou commenté, permettant une rare bouffée d’ex-pression d’une opinion anti-Jamahiriya. Comme si Pékin s’interrogeait sur la pertinence de continuer à chanter les louanges de l’encombrant chantre vert de la Zenga-Zenga.
Zhang Wen – journaliste en vue depuis qu’il a proposé publiquement sur son blog le « lâchage » de la Corée du Nord – éreinte légèrement ses collègues envoyés spéciaux : «mettez des journalistes dans un hôtel, avec carte blanche au restaurant et ban sur les interviews libres, et c’est ce que ça donne ». Puis constatant l’absence de toute réaction d’en haut, même les hussards rouges du Global Times commencent à s’enhardir, tendant le micro aux habitants de Benghazi: « Kadhafi, hao bu hao » (Kadhafi, il est bien, ou quoi » ?
Sommaire N° 15