Temps fort : Chemins de fer chinois—l’arrêt sur signal d’alarme

« Il faut accélérer le changement du modèle de développement des chemins de fer… vers une approche plus scientifique et ordonnée » : à Sanya le 16/04, le Président Hu Jintao prononçait ce bilan laconique et critique de l’industrie ferroviaire chinoise, qui confirmait implicitement la chute de Liu Zhijun l’ex-patron du Ministère, et plus encore celle de Zhang Shugang son ingénieur chef, qui risque les pires sanctions pour ses années de corruption effrénée.

Sur ce secteur dans la tourmente, les mesures de redressement s’accumulent depuis 10 jours. Le ralentissement des trains frappera au 1er juillet : de 350km/h à 300 (vitesse réservée désormais à 8 lignes « stratégiques » Est-Ouest et Nord-Sud), de 300km/h à 200 pour les Intercity, et le futur Xi’an-Urumqi, le reste à 120km/h. Le 15/04, une campagne d’inspection de 10 jours démarre sur la sécurité des lignes, pour évacuer les dépôts dangereux à proximité des ouvrages, et les activités intruses, (telles les porcheries et les petits commerces squattant sous les viaducs).

Après 8 ans de croissance ferroviaire tous azimuts, l’État semble avoir réagi à la dérive du pouvoir solitaire de Liu sur ses 2 millions d’employés et ses budgets en billions (1012) de yuans. La dette du ministère est estimée à 1,8 billion de Yuan (56% des actifs, et 4,5% de la dette publique), et ses intérêts, à 100MMY/an.

L’absence de rentabilité du TGV est totale- pour des millions d’usagers potentiels, les heures de transport épargnées ne valent le prix du ticket, au nouveau tarif exorbitant. Ainsi sur la ligne Pékin-Tianjin, la billetterie ne couvrirait même pas les intérêts de l’emprunt. Pour assainir cette dette, l’État devra renflouer.

Construit en un temps record, à partir de technologies importées et de nombre de paris non validés, ce vaste réseau de 8358km («le plus long du monde») est peu fiable et perclus de limitations « provisoires » de vitesse, comme sur la ligne Shijiazhuang-Taiyuan aux rails qui se gondolent en été, ayant été soudés en hiver. Ou comme sur ces ponts et ces traverses de béton, coulés sans les additifs d’élasticité, nécessaires pour la haute vitesse.

La vitesse réduite permet aussi de redémocratiser les tarifs, et réduire la consommation en électricité (qui double à 350km/h, sur celle de 200km/h), ainsi que l’usure d’un matériel dont le cycle de vie se restreint dramatiquement au-delà des 300km/h initiaux.

La chute du ministre éclaire au passage un système d’adjudication dévoyé qui écartait toute firme étrangère depuis 2009. Tandis que Mme Ding Shumiao (actuellement en prison) recevait les gros contrats de Liu directement, moyennant rétrocession d’une commission clandestine de 3%. Sur la ligne Shanghai-Pékin qui ouvrira en juin 2011, l’Audit national trouve 28M$, voire 36M$ de malversations.

Le résultat est cet endettement et cette absence de sécurité. De même, les rêves d’export (Russie, USA, Brésil, Asie) souffriront -moins en matériel roulant qu’en pose de rails et en signalisation, secteurs les plus en retard.

Par les actions en cours, les autorités prouvent qu’elles ont pris conscience des lourds dangers d’un programme volontariste et aventuriste. « Mais», précise toutefois notre témoin, « elles ne sont pas encore prêtes à en tirer les conséquences, jusqu’à s’ouvrir à l’étranger pour rendre au secteur sa fiabilité, moyennant un partage du marché ».

 

 

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