« Si vis pacem, para bellum » -« Si tu veux la paix, prépare la guerre » : depuis janvier, peut-être sans le savoir, l’état-major politique chinois pratique cet adage de stratégie militaire romaine antique. Savamment occultés dans les budgets de l’armée et de la police, des milliards de dollars vont à de grands chantiers cybernétiques, approches inédites de la sécurité sur la toile, que l’agence AFP appelle joliment les « bouche-trous de la Grande Muraille ». Ces derniers, secrets, peuvent néanmoins être suivis dans la presse, par les rares éléments hors censure, face émergée de l’iceberg.
C’est net, les appels de la dissidence en exil à manifester pour la « révolution du jasmin », ont inspiré le Bureau Politique à renforcer la pression. Dès janvier, le Président Hu Jintao réclamait une supervision accrue de l’internet. Dès février, au moment même où le FBI enquêtait sur des attaques chinoises contre 5 multinationales pétrolières, Xinhua dénonçait 127.000 attaques de hackers contre le pays au 1er semestre 2010, et concluait au besoin de renforcer la sécurité cybernétique, appel rapidement suivi d’effets :
[1] Depuis début mars, une attaque contre Google paralyse tous les quarts d’heure le port 443, le seul autorisé : la messagerie Gmail disparaît, remplacée par une fenêtre d’erreur, faisant croire à un « bug ». Après deux semaines de vérification, le groupe américain dénonce l’attaque «politiquement motivée» – le gouvernement réfute, bien sûr.
Triomphe technique, ce travail de sape ne pourra être longtemps maintenu sans pertes pour l’économie chinoise: il affecte les communications des firmes étrangères et nourrit leurs soupçons de motivation protectionniste, les locales n’étant pas touchées. Cette attaque a aussi pour faiblesse de trahir la nervosité de Pékin face aux problèmes du monde arabe, qui ne l’atteignent pourtant pas.
[2] Autre action nouvelle, les 72 «micro-blogs» de la police (sic – on peut supposer que ces «micro-blogs» sont beaucoup plus «maxi» que ceux des particuliers), dont le 1er fut lancé par un bureau de police du Guangdong, en mars 2010, sur le site de Sina, Weibo 微博. L’objectif est de recueillir les délations anonymes. Sans détails, les forces de police annoncent que cette «interaction et communication avec le public» se solde par 1400 messages/jour, soit 1 million dans l’année, émis par 170.000 «fans» (re-sic), ayant permis de résoudre 30 crimes et 300 infractions pas toujours évidentes- tel ce stockage non déclaré à Canton, d’explosifs par une firme de génie civil !
[3] Sur les téléphones portables, la localisation spatiale des usagers a fait des progrès, ainsi que la coupure automatique de conversations en cas de prononciation de mots bannis, en mandarin ET en anglais, selon le NY Times.
[4] le 23/03, l’État lançait sa Xème campagne contre la cartographie illégale en ligne, prétendant cette fois annihiler le service, et la firme productrice. Dans ce secteur «encore dans l’enfance», la Chine compterait déjà 42.000 sites internet fournissant des cartes, dont une centaine légaux seulement. Pour ce grand nettoyage, une commission entre le Bureau National de cartographie et 12 ministères, dont l’Admin. Nat’le du Secret d’État, est en oeuvre.
[5] Enfin parmi ces actions, il s’en trouve une qui ne vise pas la liberté de pensée. Sur le seul territoire de Pékin, est bannie (21/03) la publicité incitant au luxe, à l’hédonisme, au culte des produits étrangers. Les vocables de « luxe », « royal », « suprême » ou « classe » ne peuvent plus s’étaler sur les publicités géantes d’appartements-témoins ou de voitures. Passé le 15/04, des amendes tomberont, jusqu’à 30.000² : qu’on se le dise !
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