Le XII. Plan promet aux 54% de fermiers de les enrichir, notamment en augmentant de 10% leur récolte en grains dans la période (2011-2015). Mais en même temps, Pékin avoue qu’il ne changera pas la redistribution des terres (tous les 15 ans), non transférables et expropriables. Or cette faiblesse du droit foncier des campagnes est la racine de leur retard, freinant l’investissement et le remembrement. Quand les paysans migrent, seuls 10% de leurs lopins sont transférés – le reste tombe en jachère.
Une étude de Landesa, institut de développement rural, nous éclaire sur la pratique d’investissement de ceux qui restent au village. Depuis 1998, 22M de fermes (familiales, coopératives etc.) ont acquis pour 145MM$ de serres, tracteurs, soit 12MM$/an et 6500$ par ferme. 12 ans plus tard en 2009, le retour sur investissement était excellent : 69MM$, 50% du total investi sur ces 12 ans, 12% du PIB agricole de l’année et le quadruple des primes et subventions du pouvoir central.
Sur l’origine de ces fonds, surprise : 88% vint de l’épargne privée ou des tontines, et seuls 12% des banques.
Curieusement cependant, en 2010, quasi-3000 banques coopé rurales offraient 119MM$ en prêts neufs (30%du total). Le décuple des 12MM$ de l’investissement rural annuel cité plus haut. Seules exemptées de la politique de restriction du crédit, ces banques rurales prêtent de plus en plus. Le problème est que l’emprunteur, si l’on se fie à l’enquête Landesa, n’est pas le paysan. Mais peut-être l’investisseur proche du chef du village, en connivence avec lui, dans un projet de valorisation de terre expropriée…
Une autre branche financière progresse depuis 2008 : le micro-crédit, après l’octroi du Prix Nobel de la Paix à M. Yunus (Bangladesh). En 2010, 2614 micro-banques avaient prêté 18MM$, à 4570$ par foyer (chez Accion Int’l, l’une d’entre elles). Beau résultat apparent, et Landesa suggère que tel crédit adhérant bien à la réalité de son marché, pourrait être rémunérateur. Hélas disent les financiers, il n’en est rien, du fait d’un cadre réglementaire rigide : trop de limitations sur le capital, le %age de prêts, le taux d’intérêt, et le coût d’évaluation à charge de la banque, effeuillent un à un les profits. Pourquoi cet étranglement administratif du micro-crédit ? Officiellement, par crainte de l’éclatement d’une bulle. Ce qui est plausible-les campagnes chinoises sont notoirement endettées. Mais le problème est sans doute justement là : elles le sont, faute au cadre local d’avoir remis la terre ou les crédits au paysan, et de prétendre les faire fructifier seul -à son profit. Depuis le Moyen-Âge, rien de nouveau sous le ciel…
Sur un autre registre, Guangzhou Daily fait scandale en révélant l’existence de chaînes de TV rurales sans licence.
Avantage : la TV de proximité, les annonces sociales personnalisées. Problème : leurs publicités irresponsables (médicaments de charlatans), leurs films porno ou violents. Protégées par les chefs de village, elles sont impossibles à éradiquer. D’autant qu’apolitiques, juste pour le profit: 200.000, voire 900.000¥ par station, pour un investissement de 50.000¥. Mais c’est gênant, pour un régime qui se targue d’interdire sur son sol tout media privé, surtout audio visuel. Or, ces chaînes, en Chine, seraient plus de 1000.
En fin de compte, ces deux exemples, finance et media nous révèlent que les campagnes font échec à bien des grands concepts du pouvoir central : l’esprit féodal, les vieilles manières de faire restent prédominantes.
Sommaire N° 11