En attendant la publication du recensement décennal, le solde des naissances apparaît : +6,3 millions en 2010 et 76 millions depuis 2000. En décembre 2010, la population atteignait 1,341milliard. Avec un taux de fécondité minimaliste depuis 13 ans (1,8 enfant/femme), le pic de natalité initialement attendu en 2030 à 1,5 milliard, pourrait arriver dès 2026, croient les démographes, suivi de la pente fatidique de la décroissance.
Après avoir épargné 400 millions de bébés, le contrôle des naissances a donc atteint le but des années 1970. Mais les conséquences n’ont sans doute pas été entièrement appréhendées à l’époque. Dès 2025, les actifs baisseront de 10millions par an et les 20-24 ans chuteront de 25% d’ici 2030. Fin 2010, 36millions de petits dragons ont composé des couples d’enfants uniques, aboutissant à une tranche d’âge moitié moindre que celle de leurs parents. En 2030, faute de caisse de retraite solide d’ici là, le résultat sera 1 actif supportant quatre personnes âgées. C’est le syndrome des «4-2-1», source de nuits blanches pour des millions de Chinois.
Le planning familial cause une autre tare : l’avortement sélectif. En 2005, la Chine comptait 121 garçons/100 filles, soit 32 millions de gars en trop, dits les «branches sèches», laissés pour compte sans foyer ni enfants. Ils seront le gibier privilégié de la drogue, des triades, des bordels et autres dérivatifs. Bien sûr, ils sont les moins riches et moins éduqués. 94% des célibataires de 28-49 ans sont mâles, dont 97% d’entre eux sans le «gaokao». Cette pratique de l’avortement sélectif sévit surtout chez les paysans, qui veulent un garçon pour les nourrir dans leurs vieux jours. Elle est renforcée par la tradition d’allocation des terres aux garçons, ce qui fait que déshérité d’avance, le bébé-fille perd encore de la valeur à leurs yeux. Enfin, cette plaie s’avère aussi un puissant obstacle au développement de la consommation rurale. La Chine a dès maintenant 12 millions de garçons qui épargnent férocement (suivis de leur grande famille) pour «avoir assez» pour se marier. On le constate, les ménages en 2010, ont arrondi de 21% leur épargne, à 4900MM$. Mais en même temps, le yuan gagnait 3,9% sur le dollar, ce qui, selon beaucoup d’économistes aurait dû les faire consommer plus. La raison principale, serait cette « taxe au manque de filles à marier ».
Aussi partout, on réclame à mi-voix l’abolition du planning, vieux jeu et porteur de si graves déstabilisations. L’État a compris : cinq provinces, dont Shanghai, doivent voir sous peu le quota familial porté à deux enfants par couple.
Dernier problème sociétal. Selon une étude, 36% des foyers connaissent la violence, dont 85% sur les femmes. Selon une autre enquête récente, 62% des paysannes sont battues. Pourtant, 5% seulement des personnes interrogées ne voient pas l’échec de leur couple, tant ces sévices leur semblent « normaux », inhérents à la vie de famille.
La ville change tout cela: plus conscientes de leurs droits, les femmes signent 70% des demandes de divorce. En 2010, les divorces sont 1/3 plus fréquents (1,96 million) que les mariages (1,2 million). Mais la femme paie très cher sa liberté retrouvée, faute de pouvoir présenter les preuves de l’infidélité et/ou de la violence du conjoint (lesquelles sont souvent liées) alors que le mari dote sa « petite n°3 » du patrimoine du ménage. D’où un amendement en cours à la loi du mariage, pour permettre à l’épouse d’attaquer la maîtresse, et récupérer le bien ainsi détourné…
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